Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/161

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Ulysse. — Cependant j’ai été jugé après ta mort le plus digne de porter tes armes.

Achille. — Bon ! tu les as obtenues par ton éloquence, et non par ton courage. Je frémis quand je pense que les armes faites par le dieu Vulcain, et que ma mère m’avait données, ont été la récompense d’un discoureur artificieux.

Ulysse. — Sache que j’ai fait plus que toi. Tu es tombé mort devant la ville de Troie, qui était encore dans toute sa gloire : et c’est moi qui l’ai renversée.

Achille. — Il est plus beau de périr par l’injuste courroux des dieux après avoir vaincu ses ennemis que de finir une guerre en se cachant dans un cheval, et en se servant des mystères de Minerve pour tromper ses ennemis.

Ulysse. — As-tu donc oublié que les Grecs me doivent Achille même ? Sans moi, tu aurais passé une vie honteuse parmi les filles du roi Lycomède. Tu me dois toutes les belles actions que je t’ai contraint de faire.

Achille. — Mais enfin je les ai faites, et toi tu n’as rien fait que des tromperies. Pour moi, quand j’étais parmi les filles de Lycomède, c’est que ma mère Thétis, qui savait que je devais périr au siège de Troie, m’avait caché pour sauver ma vie. Mais toi qui ne devais point mourir, pourquoi faisais-tu le fou avec ta charrue quand Palamède découvrit si bien la ruse ? Oh qu’il y a de plaisir de voir tromper un trompeur ! Il mit (t’en souviens-tu ?) Télémaque dans le champ, pour voir si tu ferais passer la charrue sur ton propre fils.

Ulysse. — Je m’en souviens ; mais j’aimais Pénélope, que je ne voulais pas quitter. N’as-tu