seulement que la Parque t’ayant ôté tous les autres avantages, il ne te reste plus que le grand nom que tu tiens de mes vers. Adieu. Quand tu seras de plus belle humeur, je viendrai te chanter dans ce bocage certains endroits de l’Iliade : par exemple, la défaite des Grecs en ton absence, la consternation des Troyens dès qu’on te vit paraître pour venger Patrocle, les dieux mêmes étonnés de te voir comme Jupiter foudroyant. Après cela, dis, si tu l’oses, qu’Achille ne doit point sa gloire à Homère.
V
ULYSSE ET ACHILLE
Ulysse. — Bonjour, fils de Thétis. Je suis enfin descendu, après une longue vie, dans ces tristes lieux, où tu fus précipité dès la fleur de ton âge.
Achille. — J’ai vécu peu, parce que les destins injustes n’ont pas permis que j’acquisse plus de gloire qu’ils n’en veulent accorder aux mortels.
Ulysse. — Ils m’ont pourtant laissé vivre longtemps parmi des dangers infinis, d’où je suis toujours sorti avec honneur.
Achille. — Quel honneur, de prévaloir toujours par la ruse ! Pour moi, je n’ai point su dissimuler : je n’ai su que vaincre.