Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/226

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premier ; un troisième qui les raccommode, en corrigeant celui qui s’est gâté.

Timon. — Faites le plaisant tant qu’il vous plaira ; chez vous la compagnie n’est pas si nombreuse ; car il n’y a dans votre cœur qu’un seul homme toujours souple et dépravé, qui se travestit en cent façons pour faire toujours également le mal.

Alcibiade. — Il n’y a donc que vous sur la terre qui soyez bon ; encore ne l’êtes-vous que dans certains intervalles.

Timon. — Non, je ne connais rien de bon ni digne d’être aimé.

Alcibiade. — Si vous ne connaissez rien de bon, rien qui ne vous choque et dans les autres et au dedans de vous ; si la vie entière vous déplaît, vous devriez vous en délivrer et prendre congé d’une si mauvaise compagnie. Pourquoi continuer à vivre pour être chagrin de tout, et pour blâmer tout depuis le matin jusqu’au soir ? Ne savez-vous pas qu’on ne manque à Athènes ni de cordons coulants ni de précipices ?

Timon. — Je serais tenté de faire ce que vous dites, si je ne craignais de faire plaisir à tant d’hommes qui sont indignes qu’on leur en fasse.

Alcibiade. — Mais n’auriez-vous aucun regret de quitter personne ? Quoi ! personne sans exception ? Songez-y bien avant que de répondre.

Timon. — J’aurais un peu de regret de quitter Socrate ; mais…

Alcibiade. — Hé ! ne savez-vous pas qu’il est homme ?

Timon. — Non, je n’en suis pas bien assuré : j’en doute quelquefois ; car il ne ressemble guère