Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/256

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n’est pas une philosophie, ce n’est qu’une langue bizarre. Tirésias vous menace qu’un jour il viendra d’autres philosophes qui vous déposséderont des écoles où vous aurez régné longtemps, et qui feront tomber de bien haut votre réputation.

Aristote. — Je voulais cacher mes principes ; c’est ce qui m’a fait envelopper ma physique.

Platon. — Vous y avez si bien réussi, que personne ne vous entend ; ou du moins, si on vous entend, on trouve que vous ne dites rien.

Aristote. — Je ne pouvais rechercher toutes les vérités, ni faire toutes les expériences.

Platon. — Personne ne le pouvait aussi commodément que vous ; vous aviez l’autorité et l’argent d’Alexandre. Si j’avais eu les mêmes avantages, j’aurais fait de belles découvertes.

Aristote. — Que ne ménagiez-vous Denys le tyran, pour en tirer le même parti ?

Platon. — C’est que je n’étais ni courtisan ni flatteur. Mais vous, qui trouvez qu’on doit ménager les princes, n’avez-vous pas perdu les bonnes grâces de votre disciple par vos entreprises trop ambitieuses ?

Aristote. — Hélas ! il n’est que trop vrai. Ici-bas même, il ne daigne plus me reconnaître ; il me regarde de travers.

Platon. — C’est qu’il n’a point trouvé dans votre conduite la pure morale de vos écrits. Dites la vérité : vous ne ressembliez point à votre Magnanime.

Aristote. — Et vous, n’avez-vous point parlé du mépris de toutes les choses terrestres et passagères, pendant que vous viviez magnifiquement ?

Platon. — Je l’avoue ; mais j’étais considérable