Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/272

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Démétrius. — Si j’ai eu un peu de mollesse, mes grandes actions l’ont assez réparé.

Pyrrhus. — Pour moi, dans toutes les guerres que j’ai faites j’ai toujours été ferme. J’ai montré aux Romains que je savais soutenir mes alliés ; car lorsqu’ils attaquèrent les Tarentins, je passai à leur secours avec une armée formidable, et fis sentir aux Romains la force de mon bras.

Démétrius. — Mais Fabricius eut enfin bon marché de vous ; et on voyait bien que vos troupes n’étaient pas des meilleures, puisque vos éléphants furent cause de votre victoire. Ils troublèrent les Romains, qui n’étaient pas accoutumés à cette manière de combattre. Mais dès le second combat, l’avantage fut égal de part et d’autre. Dans le troisième, les Romains remportèrent une pleine victoire ; vous fûtes contraint de repasser en Épire, et enfin vous mourûtes de la main d’une femme.

Pyrrhus. — Je mourus en combattant ; mais pour vous, je sais ce qui vous a mis au tombeau : ce sont vos débauches et votre gourmandise. Vous avez soutenu de rudes guerres, je l’avoue, et même vous avez eu l’avantage ; mais, au milieu de ces guerres, vous étiez environné d’un troupeau de courtisanes qui vous suivaient incessamment, comme des moutons suivent leur berger. Pour moi, je me suis montré ferme en toutes sortes d’occasions, même dans mes malheurs, et je crois en cela avoir surpassé Alexandre même.

Démétrius. — Oui ! ses actions ont bien surpassé les vôtres aussi. Passer le Danube sur des peaux de boucs ; forcer le passage du Granique avec très peu de troupes, contre une multitude infinie