Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/318

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sommes plus croyables quand nous vous conseillons d’y renoncer.

César. — Pour moi, je veux vous imiter en tout, chercher la tyrannie comme vous l’avez cherchée, et ensuite revenir comme vous de l’autre monde après ma mort pour désabuser les tyrans qui viendront en ma place.

Sylla. — Il n’est pas question de ces gentillesses et de ces jeux d’esprit ; nous autres ombres nous ne voulons rien que de sérieux. Venons au fait. J’ai quitté volontairement la tyrannie et m’en suis bien trouvé. Catilina s’est efforcé d’y parvenir et a succombé malheureusement. Voilà deux exemples bien instructifs pour vous.

César. — Je n’entends point tous ces beaux exemples. Vous avez tenu la république dans les fers, et vous avez été assez malhabile homme pour vous dégrader vous-même. Après avoir quitté la suprême puissance, vous êtes demeuré avili, obscur, inutile, abattu. L’homme fortuné fut abandonné de la fortune. Voilà déjà un de vos deux exemples que je ne comprends point. Pour l’autre, Catilina a voulu se rendre le maître et a bien fait jusque-là ; il n’a pas su bien prendre ses mesures, tant pis pour lui. Quant à moi, je ne tenterai rien qu’avec de bonnes précautions.

Catilina. — J’avais pris les mêmes mesures que vous : flatter la jeunesse, la corrompre par des plaisirs, l’engager dans des crimes, l’abîmer par la dépense et par les dettes, s’autoriser par des femmes d’un esprit intrigant et brouillon. Pouvez-vous mieux faire ?

César. — Vous dites là des choses que je ne connais point. Chacun fait comme il peut.