Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/351

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Horace. — Vous n’avez point suivi Homère quand vous avez traité les amours de Didon. Ce quatrième livre est tout original. On ne peut pas même vous ôter la louange d’avoir fait la descente d’Énée aux enfers plus belle que n’est l’évocation des âmes qui est dans l’Odyssée.

Virgile. — Mes derniers livres sont négligés. Je ne prétendais pas les laisser si imparfaits. Vous savez que je voulus les brûler.

Horace. — Quel dommage si vous l’eussiez fait ! C’était une délicatesse excessive ; on voit bien que l’auteur des Géorgiques aurait pu finir l’Enéide avec le même soin. Je regarde moins cette dernière exactitude que l’essor du génie, la conduite de tout l’ouvrage, la force et la hardiesse des peintures. À vous parler ingénument, si quelque chose vous empêche d’égaler Homère, c’est d’être plus poli, plus châtié, plus fini, mais moins simple, moins fort, moins sublime ; car d’un seul trait il met la nature toute nue devant les yeux.

Virgile. — J’avoue que j’ai dérobé quelque chose à la simple nature, pour m’accommoder au goût d’un peuple magnifique et délicat sur toutes les choses qui ont rapport à la politesse. Homère semble avoir oublié le lecteur pour ne songer qu’à peindre en tout la vraie nature. En cela je lui cède.

Horace. — Vous êtes toujours ce modeste Virgile, qui eut tant de peine à se produire à la cour d’Auguste. Je vous ai dit librement ce que je pense sur vos ouvrages ; dites-moi de même les défauts des miens. Quoi donc ! me croyez-vous incapable de les reconnaître ?

Virgile. — Il y a, ce me semble, quelques en-