droits de vos Odes qui pourraient être retranchés sans rien ôter au sujet, et qui n’entrent point dans votre dessein. Je n’ignore pas le transport que l’ode doit avoir ; mais il y a des choses écartées qu’un beau transport ne va point chercher. Il y a aussi quelques endroits passionnés et merveilleux où vous remarquerez peut-être quelque chose qui manque, ou pour l’harmonie, ou pour la simplicité de la passion. Jamais homme n’a donné un tour plus heureux que vous à la parole, pour lui faire signifier un beau sens avec brièveté et délicatesse ; les mots deviennent tout nouveaux par l’usage que vous en faites. Mais tout n’est pas également coulant ; il y a des choses que je croirais un peu trop tournées.
Horace. — Pour l’harmonie, je ne m’étonne pas que vous soyez si difficile. Rien n’est si doux et si nombreux que vos vers ; leur cadence seule attendrit et fait couler les larmes des yeux.
Virgile. — L’ode demande une autre harmonie toute différente, que vous avez trouvée presque toujours, et qui est plus variée que la mienne.
Horace. — Enfin je n’ai fait que de petits ouvrages. J’ai blâmé ce qui est mal ; j’ai montré les règles de ce qui est bien : mais je n’ai rien exécuté de grand comme votre poème héroïque.
Virgile. — En vérité, mon cher Horace, il y a déjà trop longtemps que nous nous donnons des louanges ; pour d’honnêtes gens, j’en ai honte. Finissons.