Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bas ne pourrait être qu’une nuit ; tout y serait ombre. Pour revenir à vous autres anciens, je conviens que le préjugé général est en votre faveur. Il y a sujet de croire que votre art, qui est du même goût que la sculpture, avait été poussé jusqu’à la même perfection, et que vos tableaux égalaient les statues de Praxitèle, de Scopas et de Phidias ; mais enfin il ne nous reste rien de vous, et la comparaison n’est plus possible : par là vous êtes hors de toute atteinte, et vous nous tenez en respect. Ce qui est vrai, c’est que nous autres, peintres modernes, nous devons nos meilleurs ouvrages aux modèles antiques que nous avons étudiés dans les bas-reliefs. Ces bas-reliefs, quoiqu’ils appartiennent à la sculpture, font assez entendre avec quel goût on devait peindre dans ce temps-là. C’est une demi-peinture.

Parrhasius. — Je suis ravi de trouver un peintre moderne si équitable et si modeste. Vous comprenez bien que quand Zeuxis fit des raisins qui trompaient les petits oiseaux, il fallait que la nature fût bien imitée pour tromper la nature même. Quand je fis ensuite un rideau qui trompa les yeux si habiles du grand Zeuxis, il se confessa vaincu. Voyez jusqu’où nous avions poussé cette belle erreur. Non, non, ce n’est pas pour rien que tous les siècles nous ont vantés. Mais dites-moi quelque chose de vos ouvrages. On a rapporté ici à Phocion que vous aviez fait de beaux tableaux où il est représenté. Cette nouvelle l’a réjoui. Est-elle véritable ?

Poussin. — Sans doute ; j’ai représenté son corps que deux esclaves emportent de la ville d’Athènes. Ils paraissent tous deux affligés, et ces deux douleurs ne se ressemblent en rien. Le premier de ces