Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LII

PARRHASIUS ET POUSSIN


Sur la peinture des anciens ; et sur le tableau des funérailles de Phocion, par le Poussin


Parrhasius. — Il y a déjà assez longtemps que l’on nous faisait attendre votre venue ; il faut que vous soyez mort assez vieux.

Poussin. — Oui, et j’ai travaillé jusque dans une vieillesse fort avancée.

Parrhasius. — On vous a marqué ici un rang assez honorable à la tête des peintres français : si vous aviez été mis parmi les Italiens, vous seriez en meilleure compagnie. Mais ces peintures, que Vasari nous vante tous les jours, vous auraient fait bien des querelles. Il y a ces deux écoles lombarde et florentine, sans parler de celle qui se forma ensuite à Rome : tous ces gens-là nous rompent sans cesse la tête par leurs jalousies. Ils avaient pris pour juges de leurs différends Apelle, Zeuxis et moi : mais nous aurions plus d’affaires que Minos, Éaque et Rhadamanthe, si nous les voulions accorder. Ils sont même jaloux des anciens, et osent se comparer à nous. Leur vanité est insupportable.

Poussin. — Il ne faut point faire de comparaison, car vos ouvrages ne restent point pour en juger ; et je crois que vous n’en faites plus sur les bords du Styx. Il y fait un peu trop obscur pour y exceller dans le coloris, dans la perspective, et dans la dégradation de lumière. Un tableau fait ici-