plupart des mutins prirent les armes ; leurs troupes montèrent jusqu’à soixante mille hommes ; tout m’abandonna. Le comte vint me trouver dans un château où je me renfermai ; il eut l’audace d’y entrer presque seul : je pouvais alors le faire périr.
Le prince. — Pourquoi ne le fis-tu pas, malheureux ?
Richard. — Les peuples, que je voyais en armes dans toute la campagne, m’auraient massacré.
Le prince. — Hé ! ne valait-il pas mieux mourir en homme de courage ?
Richard. — Il y eut d’ailleurs un présage qui me découragea.
Le prince. — Qu’était-ce ?
Richard. — Ma chienne, qui n’avait jamais voulu caresser que moi seul, me quitta d’abord pour aller en ma présence caresser le comte : je vis bien ce que cela signifiait, et je le dis au comte même.
Le prince. — Voilà une belle naïveté ! Un chien a donc décidé de ton autorité, de ton honneur, de ta vie, et du sort de toute l’Angleterre ! Alors que fis-tu ?
Richard. — Je priai le comte de me mettre en sûreté contre la fureur de ce peuple.
Le prince. — Hélas ! il ne te manquait plus que de demander lâchement la vie à l’usurpateur. Te la donna-t-il au moins ?
Richard. — Oui, d’abord. Il me renferma dans la Tour, où j’aurais vécu encore assez doucement : mais mes amis me firent plus de mal que mes ennemis ; ils voulurent se rallier pour me tirer de captivité et pour renverser l’usurpateur. Alors il