Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/394

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que la tienne de Péronne. Voilà à quoi sert la finesse et la tromperie : on se fait prendre par son ennemi. La bonne foi n’exposerait pas à de si grands périls.

Louis XI. — Mais j’ai su par adresse me tirer des mains du duc de Bourgogne.

Louis XII. — Oui, à force d’argent, dont tu corrompis ses domestiques, et en le suivant honteusement à la ruine de tes alliés les Liégeois, qu’il te fallut aller voir périr.

Louis XI. — As-tu étendu le royaume comme je l’ai fait ? J’ai réuni à la couronne le duché de Bourgogne, le comté de Provence et la Guyenne même.

Louis XII. — Je t’entends : tu savais l’art de te défaire d’un frère pour avoir son partage ; tu as profité du malheur du duc de Bourgogne, qui courut à sa perte ; tu gagnas le conseiller du comte de Provence pour attraper sa succession. Pour moi, je me suis contenté d’avoir la Bretagne par une alliance légitime avec l’héritière de cette maison, que j’aimais, et que j’épousai après la mort de ton fils. D’ailleurs j’ai moins songé à avoir de nouveaux sujets qu’à rendre fidèles et heureux ceux que j’avais déjà. J’ai éprouvé même, par les guerres de Naples et de Milan, combien les conquêtes éloignées nuisent à un État.

Louis XI. — Je vois bien que tu manquais d’ambition et de génie.

Louis XII. — Je manquais de ce génie faux et trompeur qui t’avait tant décrié, et de cette ambition qui met l’honneur à compter pour rien la sincérité et la justice.

Louis XI. — Tu parles trop.

Louis XII. — C’est toi qui as souvent trop parlé.