Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/400

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Henri VIII. — Je rompis avec Rome ; je me moquai de ses censures ; j’épousai Anne de Boulen, et je me fis chef de l’Église anglicane.

Henri VII. — Je ne m’étonne plus si j’ai vu tant de gens qui étaient sortis du monde fort mécontents de vous.

Henri VIII. — On ne peut faire de si grands changements sans quelque rigueur.

Henri VII. — J’entends dire de tous côtés que vous avez été léger, inconstant, lascif, cruel et sanguinaire.

Henri VIII. — Ce sont les papistes qui m’ont décrié.

Henri VII. — Laissons là les papistes ; mais venons au fait. N’avez-vous pas eu six femmes, dont vous avez répudié la première sans fondement, fait mourir la seconde, fait ouvrir le ventre à la troisième pour sauver son enfant, fait mourir la quatrième, répudié la cinquième, et choisi si mal la dernière, qu’elle se remaria avec l’amiral peu de jours après votre mort ?

Henri VIII. — Tout cela est vrai ; mais si vous saviez quelles étaient ces femmes, vous me plaindriez au lieu de me condamner : l’Aragonaise était laide, et ennuyeuse dans sa vertu ; Anne de Boulen était une coquette scandaleuse ; Jeanne Seymour ne valait guère mieux ; Catherine Howard était très corrompue ; la princesse de Clèves était une statue sans agrément ; la dernière m’avait paru sage, mais elle a montré après ma mort que je m’étais trompé. J’avoue que j’ai été la dupe de ces femmes.

Henri VII. — Si vous aviez gardé la vôtre, tous ces malheurs ne vous seraient jamais arrivés ;