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Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/401

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il est visible que Dieu vous a puni. Mais combien de sang avez-vous répandu ! On parle de plusieurs milliers de personnes que vous avez fait mourir pour la religion, parmi lesquelles on compte beaucoup de nobles prélats et de religieux.

Henri VIII. — Il l’a bien fallu, pour secouer le joug de Rome.

Henri VII. — Quoi, pour soutenir la gageure, pour maintenir votre mariage avec cette Anne de Boulen que vous avez jugée vous-même digne du supplice ?

Henri VIII. — Mais j’avais pris le bien des églises, que je ne pouvais rendre.

Henri VII. — Bon ! Vous voilà bien justifié de votre schisme par vos mariages ridicules et par le pillage des églises !

Henri VIII. — Puisque vous me pressez tant, je vous dirai tout. J’étais passionné pour les femmes et volage dans mes amours : j’étais aussi prompt à me dégoûter qu’à prendre une inclination. D’ailleurs j’étais né jaloux, soupçonneux, inconstant, âpre sur l’intérêt. Je trouvai que les chefs de l’Église anglicane flattaient mes passions, et autorisaient ce que je voulais faire : le cardinal de Wolsey, archevêque d’York, m’encouragea à répudier Catherine d’Aragon ; Cranmer, archevêque de Cantorbéry, me fit faire tout ce que j’ai fait pour Anne de Boulen et contre l’Église romaine. Mettez-vous en la place d’un pauvre prince violemment tenté par ses passions et flatté par les prélats.

Henri VII. — Eh bien, ne saviez-vous pas qu’il n’y a rien de si lâche ni de si prostitué que les prélats ambitieux qui s’attachent à la cour ? Il fallait les renvoyer dans leurs diocèses, et consulter