Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/413

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funestes de cet engagement vont à l’infini. Le plus sûr pour vous-même est de ne vous venger du trompeur qu’en repoussant toutes ses ruses sans le tromper.

François. — Voilà une sublime philosophie ; voilà Platon tout pur. Mais je vois bien que vous avez fait vos affaires avec plus de subtilité que moi ; mon tort est de m’être fié à vous. Le connétable de Montmorency aida à me tromper : il me persuada qu’il fallait vous piquer d’honneur, en vous laissant passer sans condition. Vous aviez déjà promis dès lors de donner l’investiture du duché de Milan au plus jeune de mes trois fils : après votre passage en France, vous réitérâtes encore cette promesse toutes les fois que vous crûtes avoir besoin de m’en amuser. Si je n’eusse pas cru le connétable, je vous aurais fait rendre le Milanais avant que de vous laisser passer dans les Pays-Bas. Jamais je n’ai pu pardonner ce mauvais conseil de mon favori ; je le chassai de ma cour.

Charles. — Plutôt que de rendre le Milanais, j’aurais traversé la mer.

François. — Votre santé, la saison et les périls de la navigation vous ôtaient cette ressource. Mais enfin pourquoi me jouer si indignement à la face de toute l’Europe et abuser de l’hospitalité la plus généreuse ?

Charles. — Je voulais bien donner le duché de Milan à votre troisième fils ; un duc de Milan de la maison de France ne m’aurait guère plus embarrassé que les autres princes d’Italie. Mais votre second fils, pour lequel vous demandiez cette investiture, était trop près de succéder à la couronne ; il n’y avait entre vous et lui que le Dauphin qui