Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/412

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vrai, se laisse égorger plutôt que de promettre ce qu’il ne peut pas tenir ; mais un homme juste n’abuse point de la faiblesse d’un autre homme pour lui arracher dans sa captivité une promesse qu’il ne peut ni ne doit exécuter. Qu’auriez-vous fait, si je vous eusse retenu en France quand vous y passâtes, quelque temps après ma prison, pour aller dans les Pays-Bas ? J’aurais pu vous demander la cession du Milanais que vous m’aviez usurpé.

Charles. — Je passais librement en France sur votre parole ; vous n’étiez pas venu librement en Espagne sur la mienne.

François. — Il est vrai ; je conviens de cette différence : mais comme vous m’aviez fait une injustice en m’arrachant, dans ma prison, un traité désavantageux, j’aurais pu réparer ce tort en vous arrachant à mon tour un autre traité plus équitable ; d’ailleurs je pouvais vous arrêter chez moi jusqu’à ce que vous m’eussiez restitué mon bien, qui était le Milanais.

Charles. — Attendez ; vous joignez plusieurs choses qu’il faut que je démêle. Je ne vous ai jamais manqué de parole à Madrid, et vous m’en auriez manqué à Paris, si vous m’eussiez arrêté sous aucun prétexte de restitution, quelque juste qu’elle pût être. C’était à vous à ne permettre le passage qu’en me demandant le préliminaire de la restitution : mais comme vous ne l’avez point demandé, vous ne pouviez l’exiger en France sans violer votre promesse. D’ailleurs, croyez-vous qu’il soit permis de repousser la fraude par la fraude ? Vous justifiez un malhonnête homme en l’imitant. Dès qu’une tromperie en attire une autre, il n’y a plus rien d’assuré parmi les hommes, et les suites