Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/420

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mençais à mettre le royaume dans le calme, dans l’abondance et dans le bon ordre.

Henri III. — Quand je fus tué à Saint-Cloud, j’avais déjà abattu la Ligue ; Paris était prêt à se rendre : j’aurais bientôt rétabli mon autorité.

Henri IV. — Mais quel moyen de rétablir votre réputation si noircie ? Vous passiez pour un fourbe, un hypocrite, un impie, un homme efféminé et dissolu. Quand on a une fois perdu la réputation de probité et de bonne foi, on n’a jamais une autorité tranquille et assurée. Vous vous étiez défait des deux Guise à Blois ; mais vous ne pouviez jamais vous défaire de tous ceux qui avaient horreur de vos fourberies.

Henri III. — Hé ! ne savez-vous pas que l’art de dissimuler est l’art de régner ?

Henri IV. — Voilà les belles maximes que du Guast et quelques autres vous avaient inspirées. L’abbé d’Elbène et les autres Italiens vous avaient mis dans la tête la politique de Machiavel. La reine, votre mère, vous avait nourri dans ces sentiments. Mais elle eut bien sujet de s’en repentir ; elle eut ce qu’elle méritait : elle vous avait appris à être dénaturé, vous le fûtes contre elle.

Henri III. — Mais, quel moyen d’agir sincèrement et de se confier aux hommes ? Ils sont tous déguisés et corrompus.

Henri IV. — Vous le croyez, parce que vous n’avez jamais vu d’honnêtes gens, et vous ne croyez pas qu’il y en puisse avoir au monde. Mais vous n’en cherchiez pas : au contraire, vous les fuyiez, et ils vous fuyaient ; ils vous étaient suspects et incommodes. Il vous fallait des scélérats qui vous