Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/434

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coup. Le danger de la vie du roi était manifeste. Peut-être que les gens qui abusaient de votre confiance n’en savaient que trop de nouvelles. D’ailleurs les prédictions viennent après coup, et on n’en examine guère la date. Chacun est ravi de favoriser ce qui est extraordinaire.

Marie. — J’aperçois en passant que votre ingratitude s’étend jusque sur le pauvre maréchal d’Ancre, qui vous avait élevé à la cour. Mais venons au fait. Vous croyez donc que l’astrologie n’a point de fondement ? Le P. Campanelle n’a-t-il pas dit la vérité ? ne l’a-t-il pas dite contre la vraisemblance ? Quelle apparence que le roi eût un fils après vingt et un ans de mariage sans en avoir, répondez ?

Richelieu. — Je réponds que le roi et la reine étaient encore jeunes, et que les médecins, plus dignes d’être crus que les astrologues, comptaient qu’ils pourraient avoir des enfants. De plus, examinez les circonstances. Fabroni, pour vous flatter, assurait que le roi mourrait bientôt sans enfants. Il avait d’abord bien pris ses avantages ; il prédisait ce qui était le plus vraisemblable. Que restait-il à faire pour le P. Campanelle ? Il fallait qu’il me donnât de son côté de grandes espérances, sans cela il n’y a pas de l’eau à boire dans ce métier. C’était à lui à dire le contraire de Fabroni, et à soutenir la gageure. Pour moi, je voulais être sa dupe, et, dans l’incertitude de l’événement, l’opinion populaire, qui faisait espérer un dauphin contre la cabale de Monsieur, n’était pas inutile pour soutenir mon autorité. Enfin il n’est pas étonnant que parmi tant de prédictions frivoles, dont on ne remarque point la fausseté, il s’en trouve une