Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/441

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vu en France chercher du secours pour ma nation, sans me mettre en peine de votre hauteur, qui aurait nui aux intérêts de votre maître, si je n’eusse été plus modéré et plus zélé pour ma patrie que vous pour la vôtre. Vous vous êtes rendu odieux à votre nation ; j’ai fait les délices et la gloire de la mienne. Je suis retourné dans les rochers sauvages d’où j’étais sorti, j’y suis mort en paix ; et toute l’Europe est pleine de mon nom aussi bien que du vôtre. Je n’ai eu ni vos dignités, ni vos richesses, ni votre autorité, ni vos poètes, ni vos orateurs pour me flatter. Je n’ai pour moi que la bonne opinion des Suédois et celle de tous les habiles gens qui lisent les histoires et les négociations. J’ai agi suivant ma religion contre les Impériaux catholiques, qui, depuis la bataille de Prague, tyrannisaient toute l’Allemagne ; vous avez, en mauvais prêtre, relevé par nous les protestants et abattu les catholiques en Allemagne. Il est aisé de juger entre vous et moi.

Richelieu. — Je ne pouvais éviter cet inconvénient sans laisser l’Europe entière dans les fers de la maison d’Autriche, qui visait à la monarchie universelle. Mais enfin je ne puis m’empêcher de rire de voir un chancelier qui se donne pour un grand capitaine.

Oxenstiern. — Je ne me donne pas pour un grand capitaine, mais pour un homme qui a servi utilement les généraux dans les conseils de guerre. Je vous laisse la gloire d’avoir paru à cheval avec des armes et un habit de cavalier au Pas de Suse. On dit même que vous vous êtes fait peindre à Richelieu à cheval avec un buffle, une écharpe, des plumes et un bâton de commandement.