Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/447

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orateur, poète, rival de Corneille ; vous faisiez des livres de dévotion sans être dévot : vous vouliez être de tous les métiers, faire le galant, exceller en tout genre. Vous avaliez l’encens de tous les auteurs. Y a-t-il en Sorbonne une porte, ou un panneau de vitres, où vous n’ayez fait mettre vos armes ?

Richelieu. — Votre satire est assez piquante ; mais elle n’est pas sans fondement. Je vois bien que la bonne gloire devrait faire fuir certains honneurs que la grossière vanité cherche, et qu’on se déshonore à force de vouloir trop être honoré. Mais enfin j’aimais les lettrés ; j’ai excité l’émulation pour les rétablir. Pour vous, vous n’avez jamais eu aucune attention ni à l’Église, ni aux lettres, ni aux arts, ni à la vertu. Faut-il s’étonner qu’une conduite si odieuse ait soulevé tous les grands de l’État et tous les honnêtes gens contre un étranger ?

Mazarin. — Vous ne parlez que de votre magnanimité chimérique ; mais, pour bien gouverner un État, il n’est question ni de générosité, ni de bonne foi, ni de bonté de cœur ; il est question d’un esprit fécond en expédients, qui soit impénétrable dans ses desseins, qui ne donne rien à ses passions, mais tout à l’intérêt, qui ne s’épuise jamais en ressources pour vaincre les difficultés.

Richelieu. — La vraie habileté consiste à n’avoir jamais besoin de tromper, et à réussir toujours par des moyens honnêtes. Ce n’est que par faiblesse et faute de connaître le droit chemin, qu’on prend des sentiers détournés et qu’on a recours à la ruse. La vraie habileté consiste à ne s’occuper point de tant d’expédients, mais à choisir d’abord, par une