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Page:Féret - L’Arc d’Ulysse, 1919.djvu/38

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PROPHÉTIE

« Tu mourras par la mer ! »


Que la mer m’aime, et que j’en meure, mais je veux
Autour des îles d’or où chante ma carène,
Sous leur croupe luisante attaquer les sirènes,
Et pâmer sur leurs seins salés et leurs cheveux.

Gonflé du lait des pis innombrables qui sautent,
Je coulerai, inerte, en la profonde mer.
Son herbe aromatique et ses filtres amers
M’assainiront des lits anciens et de mes fautes.

Par le poison de l’or et l’ongle du désir
L’amour n’a jamais fait que tuer ce qu’il aime.
Quand Elle me voudra je mourrai sans blasphème ;
Je me débattrai bien pour crisper son plaisir.

Que son remords batte du cou sur sa victime,
Selon l’us féminin des grands accablements.
Il faut qu’elle s’emporte et pleure rauquement,
Et montre aux astres son pauvre amant sur ses cimes.