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LE POÈTE A PERDU DES VERS

Ces vers, je les aimais, et je les ai perdus.
Un père au dernier né plus tendrement s’attache.
Le cahier infidèle et ma mémoire lâche
M’ont volé le rameau qui peut-être m’est dû.

Ma force triomphait en des vers résolus
Qui montaient puissamment rouges, dans un panache
De fumée, ou stridaient comme taons sur les vaches…
Vers ma nuit qui commence ils ne reviendront plus.

Était-ce mon Sonnet d’Arvers ? Le sort injuste
Paya quatorze vers médiocres d’un buste,
Et d’ombre épaisse tant de poètes ardents.

Le fatal rampe à tous les sentiers du futile ;
Et, trésors vrais ou faux, j’ai perdu mes dactyles
Sans plus de pleurs que pour mes cheveux et mes dents.


14 juin 1914.