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LA BESACE DE HAINE

ils ont besoin ! Me comprenez-vous, Jean Vaucourt ?

— Je vous comprends, mademoiselle, et je vous accorde la faveur que vous me demandez. Mais après la guerre, je vous reprendrai cette faveur ; car alors je devrai, tel que j’ai juré, venger la mort de mon père !

— Eh ! capitaine, s’écria Marguerite avec un sourire mélancolique, qui sait si votre vengeance ne sera pas alors accomplie, et si Dieu lui-même ne s’en sera pas chargé sur les champs de bataille ?

— Vous avez peut-être raison, Marguerite !

Et Jean Vaucourt, jetant son pistolet, saisit le bras de Flambard et dit :

— Mon ami, allons chercher ma femme ! Puis se tournant vers Marguerite :

— Ah ! cette fois, Marguerite, là où nous allons je n’aurai nulle pitié… Nous allons chez Bigot !

— Oh ! quant à cet homme, répondit Marguerite gravement, je vous l’accorde volontiers ; il est plus coupable peut-être que ce jeune homme qui n’a été qu’un instrument aveugle !

Elle sortit en même temps que Jean Vaucourt et Flambard, laissant de Loys toujours affaissé sur le parquet de sa chambre et de Coulevent stupide d’hébètement.

Mais avant de quitter tout à fait la maison, Marguerite de Loisel dit à un domestique :

— Accourez près de votre maître de suite, car je pense qu’il a besoin de grands soins !

Effaré parce qu’il avait entendu et deviné, le domestique se précipita vers la chambre à coucher du vicomte.


— X —

OÙ IL SEMBLE QUE L’INTENDANT BIGOT AURA LE DERNIER MOT DE CETTE HISTOIRE


Jean Vaucourt et Flambard, après avoir pris congé de Marguerite de Loisel, se dirigèrent vers la rue Saint-Louis.

— Flambard, dit Jean Vaucourt en s’arrêtant tout à coup, à présent que nous savons où se trouve mon petit Adélard, ne vaudrait-il pas mieux aller auparavant le réclamer à ce mendiant, le père Raymond ?

— Nous irons après, capitaine, nous irons avec sa mère.

— Tu es donc sûr que nous pourrons reprendre Héloïse à ses ravisseurs ?

— J’en suis sûr.

— Mais pénétrer dans la maison de Bigot est dangereux ! Ne vaudrait-il pas mieux emmener avec nous quelques gardes ?

— Capitaine, répliqua froidement Flambard, j’ai ma rapière et vous avez la vôtre, cela suffit. Mais j’ai mieux que cela encore, j’ai pleins pouvoirs de M. de Vaudreuil, et je sais que j’aurais tout l’appui du roi, si je pouvais parler au roi !

— Eh bien, allons !

— Car là, dans cette maison, reprit Flambard, nous n’aurons rien à ménager. C’est un repaire de bandits qu’il convient de détruire, il y a là un tas de traîtres qu’il importe de tuer sans pitié avant qu’ils nous livrent tout à fait aux Anglais ! Allons, capitaine, le droit, Dieu et le Roi sont avec nous !

Ils furent bientôt devant la demeure, tranquille à ce moment de la matinée, de l’intendant-royal. Flambard ouvrit la grille et marcha suivi du capitaine vers le péristyle. Les deux hommes montèrent quatre marches de marbre blanc et Flambard d’une main sûre agita le heurtoir.

Au bout de cinq minutes un domestique vint ouvrir.

— Nous désirons avoir un moment d’entretien avec monsieur l’intendant, annonça Flambard sur un ton paisible.

— Si vous voulez attendre un moment, je vais voir si monsieur l’intendant peut recevoir.

Et le domestique referma brusquement la porte.

— Bon ! grogna Flambard, voici une porte qui nous est trop fermée sur le nez ! J’aurais dû m’en douter !

— Qu’auriez-vous fait ? demanda le capitaine.

— J’aurais dû, ou plutôt nous aurions dû entrer avant de faire des politesses avec ce larbin !

— Bah ! il va revenir, sourit le capitaine.

— Il le faut bien, sinon je me verrai dans la nécessité de causer des dommages matériels !

Comme il achevait de parler, la porte s’ouvrit de nouveau et le même domestique reparut, disant :