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la corvée

Poor girls !…

Alors la jeune dame descendit de sa voiture et marcha jusqu’aux deux jeunes filles qui la regardaient venir avec des yeux étonnés. Elle avait à ses lèvres un sourire bienveillant, et tout le monde s’écartait respectueusement sur son passage, regardant avec admiration sa magnifique robe de soie bleue et aspirant les délicieux parfums qui s’exhalaient de sa personne.

Lorsque celle-ci fut arrivée près des deux jeunes filles, elle demanda d’une voix douce et agréable :

— On me dit que vous venez chercher votre père, mesdemoiselles ?

— Oui, madame, répondit en rougissant la brune Mariette.

— Avez-vous dans la ville des parents, des amis…

— Hélas ! non, madame. Nous n’avons aucun parent et ne nous connaissons nul ami. Il n’y a que notre père que nous ne savons pas où trouver.

— C’est bien pitoyable, murmura la dame anglaise. Néanmoins, si vous voulez avoir confiance en moi, je pourrai vous aider dans vos recherches. Et puisque vous ne savez où aller, montez dans ma voiture, je vous donnerai l’hospitalité dans ma maison, et, demain, mon mari cherchera votre père.

Les deux jeunes filles s’entre-regardèrent comme pour se consulter, et de nouveau elles parurent hésiter. Mariette rougissait, et Clémence chancelait encore dans la faiblesse qui l’oppressait.

Une des femmes leur donna ce conseil :

— Ma foi, mesdemoiselles, ça ne serait pas de refus si j’étais à votre place. Si ces dames ne sont pas des canadiennes, elles n’ont pas l’air d’avoir moins bon cœur. Et puis le mari de cette jeune dame doit être influent, il saura vous trouver votre père, lui.

La dame anglaise sourit et dit :

— En vérité, brave femme, vous parlez avec un grand bon sens.

Puis elle ajouta en regardant Mariette :

— Venez, Mademoiselle… Votre nom ?

— Mariette, Madame.

— Mariette ?… Un joli nom. Et votre sœur ?

— Clémence, Madame.

— Encore un joli nom. Voyons, je vous prends sous ma protection. Vite, venez… Voyez que votre pauvre sœur ne se soutient presque plus.

Ce disant, l’excellente dame prit un bras de Clémence, et, cette fois, les deux jeunes filles suivirent docilement jusqu’à la voiture dans laquelle elles s’assirent sur le siège faisant face aux deux dames. La jeune dame anglaise salua d’une inclination de tête et d’un sourire gracieux les femmes de la rue, puis la voiture roula jusqu’au grand chemin et, de là, vers la haute-ville.

Au bout d’une demi-heure la voiture entra dans une rue où l’on voyait de belles maisons entourées de jardins ombreux. Les deux jeunes filles regardaient avec admiration ces beautés qui leur étaient inconnues, car jamais elles n’étaient venues dans la cité. La voiture s’arrêta devant l’une de ces belles maisons, une grande maison toute de belle pierre avec jardin où croissaient les plus belles fleurs qu’à ce moment un jardinier arrosait d’eau fraîche. Une palissade entourait le jardin et la maison. À la vue de la voiture, le jardinier accourut ouvrir une large grille que la voiture franchit pour rouler sur une allée sablonneuse, puis s’arrêter devant un haut perron de pierre bleue.

— Nous voici arrivées, prononça la jeune dame anglaise avec un bon sourire.

Au même moment un valet en livrée bleue et argent accourait pour ouvrir la portière. On descendit, puis on monta le perron pour pénétrer ensuite dans un vaste hall où régnait une bonne fraîcheur aux parfums de roses.

— Ici, dit la dame anglaise aux deux sœurs toutes timides et confuses, vous serez à l’abri de la chaleur et d’autres dangers dont vous devez ignorer la présence dans une cité comme celle-ci. Vous serez comme chez vous, et mademoiselle Clémence retrouvera ses forces en attendant que soit retrouvé votre père.

Cela dit, elle sonna un timbre à la vibration duquel deux jeunes et gracieuses servantes accoururent. La dame commanda :

— Veuillez conduire ces jeunes filles dans la plus grande chambre de là-haut, et ne manquez pas de leur donner tous les soins dont elles pourront avoir besoin.

— Madame, dit Mariette très émue, vous êtes bien bonne pour nous qui ne sommes que deux étrangères. Mais une fois que ma sœur sera installée et qu’elle aura quel-