Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/11

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sais Jules Marion trop généreux pour outrager même ses pires ennemis. Non, père, n’ajoute pas foi aux dires de ces gens : la calomnie nait de la rancune, de l’envie ou de la haine. Je te jure que Jules Marion n’a jamais eu sur ses lèvres de pareilles injures !

— Comme tu le défends !… fit Harold, tout surpris d’une telle ardeur.

Un peu de rouge empourpra subitement les joues pâles de la jeune fille. Mais elle ne perdit pas contenance ; et ce fut d’une voix calme et ferme qu’elle poursuivit :

— Je le détends, parce que j’aime la justice, parce que, père, tu m’as appris à être juste. Je rends justice à Jules Marion qui, aux dires de tes gens honorables, a tous les torts, et plus spécialement ceux d’être un canadien-français, un catholique, et un homme instruit et intelligent.

Harold considérait sa fille d’un regard singulier. Sur ses lèvres s’imprimait un sourire, énigmatique auquel s’ajoutait un peu d’ironie.

Et comme sous ce regard persistant Violette paraissait enfin se troubler, son père lui dit d’une voix basse et profonde.

— Violette, tu me fais penser que ce garçon ne t’est pas indifférent !

— Que veux-tu dire ? interrogea Violette émue.

— Ceci : aimerais-tu, par hasard, un individu de ce calibre ?

Par un effort de volonté sublime, la jeune fille reprit sa tranquillité ordinaire et répliqua :

— Père, je t’assure que ce jeune homme mérite toute ta sympathie.

— Tu ne réponds pas à ma question, réprimanda Harold dont les sourcils se fronçaient.

— Père, répondit Violette d’une voix plus ferme, j’aime tout ce qui est bon, brave, intelligent, généreux. J’aime ce garçon parce qu’il est admirable ; je l’estime parce qu’il est digne de l’estime de tous les honnêtes gens !

— Allons ! exclama Harold dont la figure se dérida, ta réponse me rassure un peu. Toutefois, je profite de l’occasion pour te dire, Violette, que je serais désespéré… Je ne sais pas ce que je ferais… s’il me fallait apprendre et savoir que la fille de Harold Spalding s’est enamourée d’un canadien français, d’un voyou de l’espèce de Jules Marion.

Violette eut à ses lèvres un sourire mystérieux. Puis elle courut s’asseoir sur un bras du fauteuil de son père entourer son cou et lui murmura avec une câlinerie adorable :

— Père, ne pense donc pas de telles choses tu sais bien que je t’aime trop pour jamais te désespérer !

Et elle l’embrassait bien fort, le caressait en lui chuchotant mille choses douces, affectueuses.