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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/132

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— Ensuite ?

— Vous n’êtes pas Français, non plus : cela se voit à votre accent.

— Eh bien !

— Ni russe… ni italien…

— Hors de chez moi ? demanda Monsieur Gaston surpris.

— Au fait, qu’importe ma nationalité ? interrompit brusquement le moine ; et piège ou non, si je voulais vous perdre, je le pourrais faire à l’instant. Décidez-vous donc !

— Soit, je suis prêt à vous suivre.

— Alors, venez !

Monsieur Gaston prit chapeau, paletot et canne et partit sur les pas du moine.

Ce dernier traversa la cour et, à la grande stupéfaction de Monsieur Gaston, il refit à travers la cave et la maison inhabitée le chemin parcouru par l’espion une heure avant. Quelques minutes plus tard, les deux hommes s’engageaient sur la rue de Rome.

Ils marchaient depuis quelques instants, lorsque Monsieur Gaston, jetant un regard sur son compagnon, s’arrêta avec une exclamation de surprise.

— Quoi donc ? demanda l’autre.

Ils se trouvaient à cet instant même sous la blanche lumière d’une lampe électrique, et, chose extraordinaire encore pour Monsieur Gaston, au lieu du moine en robe et à cagoule et armé de son crucifix d’acier, l’espion allemand avait pour compagnon de route un élégant clergyman londonien.

Et celui-ci avec un rire moqueur disait :

— Venez donc, Monsieur Gaston, nous nous expliquerons tout à l’heure.


Si la bonne société d’Ottawa avait pu promener ses regards sur les listes d’hôtes de l’Hôtel Provençal, elle se fut bien étonnée d’y voir le nom de Harold Spalding. Non pas tant de trouver notre millionnaire canadien au sein du merveilleux Paris, que de le dénicher dans cette hôtellerie de second ordre, lui, le riche et presque fastueux Harold Spalding.

Pourquoi Harold avait-il élu domicile au Provençal et non, par exemple, au Grand Terminus, à deux pas de là ?

Pourquoi encore avait-il évité ou dédaigné de loger au quartier anglais du Square de l’Opéra ?

Bien des amis de l’ex-industriel se fussent à coup sûr posé cette double question.

Selon nous, Harold Spalding avait choisi l’Hôtel Provençal, qui recrute sa clientèle plus spécialement parmi les provinciaux en tournée d’agrément ou d’affaires et parmi les voyageurs de commerce, afin de se mieux dérober aux regards d’une foule de connaissances et d’amis actuellement à Paris, et pour être plus à l’aise