Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— en demeurant tout à fait ignoré dans ce modeste hôtel — dans le travail et la combinaison de ses plans de vengeance.

Or, ce même soir de novembre, nous retrouvons Harold Spalding se promenant fiévreusement dans le fumoir qui, avec une chambre à coucher, compose tout l’appartement du millionnaire.

Les mains aux poches, selon sa coutume, sa tête chauve inclinée vers la poitrine, les regards rivés au tapis qui étouffe le bruit de ses pas, Harold paraissait être sous l’empire de profondes et mélancoliques méditations.

Parfois il s’arrêtait, tirait un magnifique chronomètre de son veston, consultait l’heure pour échapper aussitôt un geste d’impatience en reprenant sa marche.

Une demi-heure s’écoula encore, lorsqu’on frappa légèrement à la porte.

Harold courut ouvrir.

Le moine noir, métamorphosé en clergyman londonien, entra suivi de Monsieur Gaston dont les traits gardaient encore une expression d’ahurissement.

— Ah ! mon cher ami, s’écria Spalding en tendant la main au docteur Randall — car c’était le Docteur, en effet qui venait de si bien jouer le rôle du moine fantastique — je commençais à craindre que vous n’allier plus revenir.

— Hélas ! répondit Randall avec un accent moqueur, il m’a fallu bien du temps pour arriver à convaincre ce cher Monsieur Gaston, que j’ai l’honneur de vous présenter.

Monsieur Gaston, devant l’air d’importance du millionnaire, s’inclina gauchement en ébauchant une grimace qu’on eût pu penser un sourire.

Déjà Harold lui avait décroché un regard clair et pénétrant, sans, naturellement, s’abaisser à tendre sa main à un espion — cet espion eût-il d’autre titre qu’un « von », cet espion fût-il le Kaiser lui-même ! Non, Harold Spalding ne pouvait s’abaisser à si bas niveau : son « honorabilité » l’en défendait !… Harold Spalding se contenta de peser dans son esprit la valeur morale de l’homme, et il parut satisfait.

— Allons ! s’écria-t-il comme enchanté, causons de l’affaire.

Il prit place à une petite table qui lui servait à griffonner sa correspondance ou « ses mémoires de voyage », et indiqua à ses deux visiteurs des sièges placés en face de lui.

Alors, Randall, se tournant vers Monsieur Gaston, dit, désignant Harold :

— Monsieur Gaston, ce gentleman est le chef de « l’association » à laquelle vous allez avoir l’avantage d’appartenir, et vous pouvez, que dis-je, vous devez avoir en lui la plus grande confiance.