quel il jetait de temps à autre un regard inquisiteur.
Viennent-ils ? demanda tout à coup la voix d’un kaki dissimulé plus loin sous le parapet.
— Ils viennent… répondit une voix sonore. Et au même instant Jules Marion tombait au fond de la tranchée suivi de près par Marcil.
— Les Allemands ?… interrogèrent plusieurs voix avec une vive curiosité.
— Oui, répondit Marcil, les Allemands ! Cette fois, c’est la charge, mes amis, la vraie.
— La vraie bataille, enfin, compléta Jules Marion avec un enthousiasme dont toute la compagnie fut bientôt saisie.
— Où sont-ils ? demanda le sergent Ouellet
— À cent verges au plus, répondit Marion.
— Alors, je cours prévenir Constant.
Dès ce moment, le café, le déjeuner, tout fut oublié… le froid, les misères de la nuit passée…
Nos soldats n’avaient plus maintenant qu’une curiosité : voir de près les Allemands ; qu’un désir : se jeter sur eux…
Et, les yeux rivés à travers les meurtrières, l’arme à l’épaule, ils attendaient l’ordre.
Toutefois, la conversation continuait à voix basse, — comme s’ils eussent craint de donner l’éveil aux boches, — ou comme s’ils eussent voulu leur laisser croire que tout le monde était au repos.
— Le café est raté… fit une voix gouailleuse.
— Un vrai fiasco !… proféra un autre.
— Bah ! on le boira après, il n’en sera que meilleur.
— Oui… mais il sera refroidi…
— En ce cas, il nous rafraichira après l’affaire…
— Si on en revient…
— Bah ! on en revient toujours.
— Des fois, avec une patte de moins…
— Ou les deux manches…
— Qu’importe… tant que la tête tiendra !…
— C’est vrai qu’avec la tête on peut vivre encore, déclara un malin.
— Et même boire un café chaud ou froid…
Un rire sourd suivit ces paroles.
Plus loin, Jules disait à Marcil :
— Mon vieux, tes désirs vont se réaliser !
— Mes ambitions… pour employer le terme propre.
— C’est juste, puisque l’avenir te regarde !
— La mort !… riposta tranquillement Marcil avec un sourire candide.
— Non, Marcil, les braves comme toi ne songent jamais à la mort.
— Pourquoi les braves « comme moi » ?…
Parce que la pensée de la mort apporte généralement la pensée de la peur, et la peur n’est qu’aux lâches. Or tu n’es pas un lâche, — ne parle donc pas de mort !