Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/150

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rois de la tranchée et suivit avec une admiration extatique la superbe conduite de Jules et Marcil, en tête toujours, et la valeur héroïque du sergent Ouellet, du caporal Bédard et de quarante autres de nos soldats ; et les Allemands tombaient au fond de leurs tranchées pour ne plus se relever… les mitrailleuses étaient réduites au silence… et, enfin cette section de tranchée envahie par la compagnie de Raoul Constant était conquise. Mais la lutte continuait encore plus loin, vers la colline, où le Vingt-Deuxième donnait héroïquement sa vie et son sang pour un Empire qui allait peut-être manquer de gratitude !…

Cependant Jules Marion, sain et sauf, hormis quelques égratignures aux mains et au visage, revenait auprès de Raoul qui, livide et chancelant, conservait à ses lèvres un sourire triomphant.

— Où es-tu blessé ? interrogea Jules avec inquiétude.

— Au ventre… quelque part

— Sérieusement ?

— Je le crains… je me sens déjà épuisé.

— Prends courage ! nous t’emmènerons… on te guérira…

— Merci encore, Jules, je te devrai la vie.

Il ébaucha soudain un geste de stupeur et désignant un point de la tranchée à Jules il lui dit :

— Tiens !… regarde là bas…

Jules porta ses regards dans la direction indiquée et, comme Raoul Constant, il demeura frappé de stupéfaction.

Voici ce qu’ils virent.

Pendant que Jules revenait au lieutenant blessé, — pendant que le sergent Ouellet et le caporal Bédard, aidés des autres camarades, cherchaient au travers des tas de cadavres allemands leurs camarades tombés dans la mêlée, Marcil, plus éloigné, avait tout à coup découvert un souterrain communiquant avec les tranchées ennemis de l’arrière ; et dans ce souterrain, des Allemands, une dizaine environ, s’avançaient trainant trois mitrailleuses destinées à massacrer nos Canadiens. Et au moment où les Boches pénétraient dans la tranchée, Marcil sans s’assurer s’il était suivi ou non des camarades, se ruait sur les Allemands.

C’est à ce moment que Raoul Constant et Jules Marion portaient leurs regards de ce côté, et ils voyaient Marcil se démenant comme un forcené, plongeant sa baïonnette dans les corps prussiens. Puis la baïonnette reparaissait l’espace d’une demi-seconde, toute rouge et terrible, pour plonger encore le tas des Boches terrorisés.

En moins de dix minutes, Marcil, à lui seul, venait de conquérir trois mitrailleuses intactes