Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Parce que je vais tuer un traître et un lâche … Étais-je stupide ?… Pourquoi n’ai-je pas compris que cela devait arriver ainsi le jour où l’on n’aurait plus besoin de moi.

— Vous vous trompez, nous avons besoin de vous encore.

— Quand je vais être fusillé dès l’aube !… éclata Monsieur Gaston avec une furie croissante. Ah ! bandit, au moins je ne mourrai pas sans vengeance.

Puis, rapide comme la pensée et avec l’agilité d’un tigre il fit un bond énorme jusqu’au moine.

Mais une main fine et nerveuse le saisit à la gorge. Des doigts d’acier pénétrèrent dans sa chair et Monsieur Gaston vomit un râle.

— Mon cher Monsieur Gaston, ricana le moine, ne faites donc plus de bêtises… Je vous répète que vous n’êtes pas de taille avec moi.

Et en même temps il lâcha la gorge bleuie de l’espion qui, haletant, titubant, alla s’affaisser lourdement sur le lit de camp.

Encore une fois, Monsieur Gaston était dompté.


XII

OÙ LES CARTES DU DOCTEUR
RANDALL
SE BROUILLENT.


Le Moine Noir — ou mieux le Docteur Randall s’était assis à son tour tout près de Monsieur Gaston qui paraissait s’absorber en d’amères réflexions.

— Mon cher capitaine, dit Randall sur un ton dégagé, il ne faut prendre au sérieux ce qui n’est qu’apparent ; je vous ai fait arrêter pour accomplir un projet qui ne pouvait avoir chance de succès sans cette formalité. Mais de même qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, je vous rendrai votre liberté.

À ces dernières paroles Monsieur Gaston éprouva une commotion joyeuse ; il releva la tête et regarda curieusement son interlocuteur.

Le Docteur, avec sa face pâle perdue au fond de la noire cagoule, reprenait à ses lèvres son sourire sardonique.

— Mon cher Monsieur Gaston, il me faut, avant toute chose, vous complimenter sur votre coup d’œil et votre merveilleuse adresse au tir ; surtout quand vous avez contre vous le désavantage d’une nuit fort noire. Du reste, vous m’aviez affirmé que vous étiez doué d’un œil pouvant faire une rude concurrence à la vue du hibou.

Ce compliment fit naître un sourire sur les lèvres de l’allemand.

— Oui, continua le Moine, je vous le répète, votre adresse est prodigieuse, — au point que