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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/205

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vous logez votre balle de façon que votre homme n’en ait que pour huit à dix jours de repos.

Monsieur Gaston tressaillit.

Que voulez-vous dire ? bégaya-t-il.

— Tout simplement que vous avez envoyé en congé à l’hôpital l’homme que vous aviez convenu d’expédier en enfer.

Monsieur Gaston sauta en l’air pendant que sa physionomie se revêtait d’un ahurissement comique.

— Il n’est pas mort ?… souffla-t-il difficilement.

— Puisqu’il se porte mieux que vous et moi…

— Pourtant, repartit Monsieur Gaston qui retrouvait son calme, je l’ai vu tomber aux bras de son camarade.

— C’est dans les bras du diable que vous étiez chargé de le jeter !

— Je sais bien et vous m’en voyez tout désolé… Je n’y comprends rien, ajouta-t-il comme se parlant à lui-même, il faut qu’un charme l’ait protégé en détournant ma balle.

— Vous n’y êtes pas, interrompit rudement le docteur, votre balle a porté, mais au mauvais endroit, voilà tout.

— C’est peut-être ce qui vous a poussé à me dénoncer ? dit Monsieur Gaston pendant qu’un nouvel éclair de colère et de haine enflammait ses yeux jaunes.

— Monsieur Gaston, répliqua Randall d’une voix brève et glaciale, venez vous rasseoir et causons sérieusement. Du reste, la nuit avance et je veux être à Paris au jour.

L’espion obéit à l’injonction.

— Écoutez-moi, poursuivit le docteur. Mon but, en vous faisant arrêter, c’était pour confirmer une lettre de dénonciation dont doit être saisi à cette heure l’État-major anglais. Et cette lettre accuse l’homme que vous avez si maladroitement manqué, c’est-à-dire Jules Marion, d’être affilié à la bande d’espions dont vous êtes à Paris l’un des chefs.

Un vague sourire plissa les lèvres de Monsieur Gaston.

— Vous savez bien, mon révérend, que votre accusation n’aura aucune portée.

— Comment l’entendez-vous ?

— En ce sens que les autorités militaires, n’ayant aucune preuve contre ce jeune homme, seront forcées d’admettre une stupide calomnie.

— Mais il y aura des preuves — des preuves apparentes, je l’avoue, mais suffisantes pour mettre Marion en face du peloton d’exécution.

— Quelles preuves apparentes pourrez-vous apporter ? demanda Monsieur Gaston dont la curiosité s’éveillait.

— D’abord vous confirmerez au premier interrogatoire la lettre d’accusation adressée à