Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/209

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Et ce qui accrut l’horreur de sa situation ce furent ses battements de cœur qui coupaient l’éternel silence de coups de tambour.

Dans son affolement il se rappela qu’il possédait quelque part des allumettes.

Après s’être fouillé durant une longue minute, il en trouva une.

D’une main fébrile il la frotta, — le crépitement de l’allumette le fit tressauter.

Puis il haussa ce faible luminaire à hauteur de sa tête, et promena autour de lui un regard épouvanté.

Il était seul, le moine noir avait disparu et la porte du cachot demeurait solidement fermée.

Monsieur Gaston tomba anéanti sur son grabat.


Tout, — ou plutôt une partie du tout se passa ainsi que prévu par le docteur.

Le lendemain matin, Monsieur Gaston subissait un long interrogatoire serré et minutieux. Et, pour obéir aux instructions du Moine Noir, il confirma l’accusation portée contre Jules Marion. Puis il fut renvoyé à sa cellule.

Trois jours s’écoulèrent avec une lenteur de siècles durant lesquels Monsieur Gaston ne vit âme qui vive, hormis un sous-officier qui lui apportait, trois fois par jour, un plateau de mets abondants et très bien apprêtés. Le sous-officier apportait aussi une lanterne, permettant à Monsieur Gaston de faire bombance et ripaille à la clarté, demeurait dans un mutisme farouche à toutes les questions posées par le prisonnier puis, mets avalés par Monsieur Gaston, il reprenait plateau et lanterne et s’en allait, laissant ce pauvre Monsieur Gaston se débrouiller avec sa digestion et ses terreurs.

Nous ne dirons pas tout ce que souffrit Monsieur Gaston durant ses longues heures de captivité. Seulement, lorsque trois jours après son interrogatoire on vint le chercher pour la seconde fois, il était devenu méconnaissable, — au point que la brave Berthe — à moins qu’elle ne fût morte à cette heure de ses propres épouvantes — l’eût pris pour un spectre sortant de l’enfer.

Monsieur Gaston quittait son cachot avec une tête toute blanche, des joues creuses et livides, des moustaches grisonnantes et tombantes, des yeux hagards et enfoncés dans leurs orbites…

Cette fois, ce ne fut pas à la salle supérieure que fut conduit Monsieur Gaston ; ce fut dehors, dans l’air de décembre, dans une nuit pâle et froide en son marteau d’hermine.

Et ce fut encore dans la limousine que Monsieur Gaston monta, escorté du pas militaire