Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/260

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vaient être terrible car Harold pâlit, frissonna et recula…

Or comme il paraissait demeurer indécis le docteur lui dit d’un ton rude et méprisant :

— Donnez ! et il tendait la main.

Harold poussa alors une espèce de rugissement sauvage. Par un mouvement rapide il se rapprocha du blessé qui l’observait avec une surprise mêlée d’épouvante.

Harold avait exhibé la petite fiole d’acide sulfurique : et pendant qu’un rictus effrayant entrouvrait ses lèvres, il retira doucement le bouchon de la fiole, et l’élevant au-dessus des yeux du blessé il en laissa tomber le contenu.

Jules poussa un cri rauque terrible — son corps mutilé éprouva un violent soubresaut, puis se roula, se tordit comme pris d’effroyables convulsions… Puis peu à peu il se raidit et demeura immobile !

Horrifié par son propre crime les yeux hagards la face en sueurs, Harold Spalding demeurait comme pétrifié…

Mais Randall le tira brusquement de son immobilité :

— On vient ! murmura-t-il… Décampons ! Ces paroles électrisèrent Spalding. Il fit un bond énorme et se jeta dans le bois suivi de près par Randall.

À l’instant même un coup de feu éclata par derrière…

Puis une balle sifflait, Randall échappa une sourde imprécation de colère et de douleur, puis s’abattait lourdement sur les feuilles mortes qui recouvrait la mince neige de décembre.

Saisi d’indicible terreur Harold bondit en avant, se rua et disparut au milieu des épais fourrés.

— L’instant d’après un homme armé d’une carabine accourait près de Randall, dont la mort avait été presque instantanée et cet homme avait une joie sombre :

— C’est bien lui… ce maudit Randall ! Enfin il a reçu son compte — …

Et Pascal — car c’était, en effet l’ancien sacristain — se tourna aussitôt vers deux kakis accourant avec un brancard et leur cria avec une joie délirante :

— Vite !… venez voir ça !… je n’ai jamais si bien tiré de ma vie.

Et quand Raoul Constant et Marcil arrivèrent, le lieutenant ne put retenir une exclamation de joyeuse stupeur :

— Randall enfin !

— Hé !… hé… ricana Pascal vous le connaissez aussi ce brigand !… Cré milieu ! ce qu’il y a de plus drôle c’est que je l’ai descendu avec son propre fusil — le fusil avec lequel il avait voulu tuer Monsieur Jules à Ottawa