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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/272

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jour, de son malade un regard de reconnaissance.

L’oculiste lui avait enlevé tout espoir à ce sujet.

Mais qu’importe !… Jules vivait !… il vivrait encore longtemps !… et c’était pour Violette la grande consolation.

Ah ! cette chère vie… combien Jules la lui devrait à cette vaillante Violette !

C’est vrai qu’il ne pourrait avoir pour la noble enfant des regards de reconnaissance ; mais il aurait des paroles… des paroles que Violette boirait à même la coupe de son amour éternel.

Ce déformé, ce mutilé, cet être humain qui avait perdu la moitié de ses membres, demeurait au cœur de Violette plus cher, plus aimé.

À présent, quand elle songeait à l’avenir, il lui semblait qu’elle ne pourrait plus vivre sans lui… que lui ne pourrait plus vivre sans elle !

Et lorsqu’elle s’était longtemps absorbée dans ces pensées, elle se penchait vers le malade inconscient et déposait sur son front livide et brûlant un ardent et pieux baiser.

Enfin, la merveilleuse constitution du lieutenant avait fini par triompher de la fièvre, l’intelligence avait retrouvé son empire.

Un soir, Jules Marion avait reconnu Violette à sa voix. Alors, un sourire enivrant, exalté… un sourire qui disait plus qu’un livre… avait tout d’un coup illuminé cette figure blême encadrée d’une barbe noire.

Et il avait murmuré d’une voix délirante de joie :

— Violette !

Sa main droite s’était levée comme pour chercher celle de la jeune fille. Elle, elle avait prise cette main dans les siennes et l’avait serrée tendrement, longuement, et elle avait murmuré à l’oreille du malade :

— Jules jamais je n’ai été aussi heureuse que ce soir… vous êtes sauvé !

— Merci, Violette ! répondit le jeune homme en portant les mains de la jeune fille à ses lèvres ; et ces mains, qui tremblaient bien fort, Jules les baisa avec une reconnaissante ardeur.


Le jour même où l’abbé Marcotte recevait la visite de monsieur Durieux, l’agent de police, Jules Marion avait avec Violette une longue conversation.

C’était un matin d’avril.

Par la fenêtre grande ouverte de la chambre que Jules occupait, glissaient à flots d’or les chauds et caressants rayons de soleil printanier qui, à lui seul, vaut parfois l’art si avancé de la science.

Une brise légère et tout odorante de parfums doux apportait au convalescent une jouissance et un bien-être infinis.