Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/271

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que ce rêve se dissipât. Mais la vision effroyable subsistait, elle ne pouvait se défendre de voir la terrible apparition.

Et quand, à la fin, elle se décida à reporter ses regards sur le pauvre mutilé, l’épouvantable réalité la renversa : elle demeura évanouie auprès de la couche sanglante de son bien-aimé.

Violette fut trois jours en proie à un délire qui inquiéta fort le chirurgien-major. Pendant trois jours elle demeura sous les soins et la surveillance constante d’une garde-malade.

Et pendant ces trois jours on s’occupait activement de Jules Marion. On coupait ses chairs, on lavait ses plaies, on posait bandages sur bandages, on tentait de conserver la vie au lieutenant.

Au bout de ces trois jours, le chirurgien-major avait dit à Violette qui se remettait :

— Je n’affirme pas qu’il en reviendra, mais il est permis d’avoir un peu d’espoir.

Et il ajouta avec une sincère sympathie :

— Ah ! mademoiselle Spalding quels soins délicats il faudra avoir pour le malade !

— Je suis là, monsieur le Major, j’ai repris mes forces ; et, si vous le permettez, dès ce jour je me consacre exclusivement à lui.

Violette avait prononcé ces paroles avec un accent d’énergie qui émerveilla le chirurgien.

Et comme Jules allait être transporté ailleurs, vers les hôpitaux permanents, Violette obtint sans peine la permission de suivre le pauvre blessé.

C’est ainsi que, quelques jours après, Jules Marion était définitivement placé dans l’un des plus grands hôpitaux de Paris.

Violette l’avait suivi là, le soignant, le veillant jour et nuit avec un dévouement, une ardeur que seul un amour véritable peut mettre au cœur d’une femme.

Elle avait suivi Jules comme la vaillante et sublime Mère avait suivi son Fils sur le Calvaire !

Et durant trois mois Violette n’avait pas laissé son cher blessé, — ce blessé qui, tout le temps, n’avait vécu que d’une vie factice, d’une vie qu’un souffle peut effacer.

Durant ces trois mois Jules avait passé par toutes les tortures de la fièvre. Sa raison s’en était allée. On avait presque guéri ce qui restait de son bras gauche et de sa jambe droite, on avait rendu à la figure brûlée par le vitriol son apparence ordinaire, mais les yeux demeuraient clos sous le bandeau de toile blanche qui les recouvrait.

Un des plus célèbres oculistes parisiens avait rendu un jugement définitif.

— Ces yeux-là, avait-il dit, ne verront plus !

Cela avait encore causé à Violette une cruelle déception ; car elle avait tant espéré recevoir, un