Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

délirante, c’est le ciel que vous me faites entrevoir ! J’avais cru deviner que vous m’aimiez encore un peu. Dans mes heures de délire je vous revoyais souvent, vous me parliez de votre amour, vous vous penchiez sur moi, souriante, et vous posiez vos lèvres rafraichissantes sur mon front brûlant. Et j’étais heureux, ma souffrance s’en allait, mon cœur se dilatait, je vivais comme on se sent vivre dans un rêve de ciel.

— Ce rêve, Jules, sera désormais la réalité. J’ai juré de ne plus vous quitter. Comme vous le disiez tout à l’heure, vous êtes ressuscité, et cette résurrection est un peu mon œuvre… et cette œuvre-là, Jules, je l’aime trop pour l’abandonner.

— Mais pour cela… bégaya Jules fou de joie, il faudra que vous consentiez… ah ! l’obstacle… l’obstacle…

Sa voix manqua et il demeura frissonnant.

Violette comprit, et un sourire angélique effleura ses lèvres rouges.

— Jules, dit-elle, autrefois, quand nous parlions de nos rêves d’avenir, vous voyiez toujours se dresser un obstacle entre nous… parce que nous ne savions pas prier Dieu de la même façon ; et il nous était interdit vous de vous unir à moi… moi de m’unir à vous.

— Et maintenant ?… hoqueta Jules excessivement troublé.

— Maintenant… plus rien ne nous sépare

Elle se pencha vivement à l’oreille du jeune homme et lui murmura très bas, très bas…

— Jules, depuis un mois j’adore le même Dieu que vous adorez !

— Ah ! mon Dieu, soyez béni ! prononça Jules Marion avec une grande et joyeuse ferveur.

Et alors, chose singulière, des paupières closes du lieutenant deux grosses larmes jaillirent pour couler lentement… très lentement sur ses joues blêmes, et glisser puis se perdre dans les fils noirs de sa barbe.

Très émue, Violette se pencha de nouveau, et sur chaque paupière elle déposa un baiser… un long et silencieux baiser !

Un sourire d’ivresse angélique couru sur les lèvres du blessé qui bégaya, très ému, lui aussi :

— Merci Violette… vous m’aurez sauvé deux fois !

À cet instant on frappa discrètement dans la porte.

Violette courut ouvrir.

C’était l’abbé Marcotte.


III

LA REVANCHE D’UN CHRÉTIEN


Sur le seuil de la porte l’abbé s’était arrêté pour considérer assez curieusement Jules et Violette tout à tour.

La jeune fille avait baissé les yeux, rougissante.