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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/278

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Jules, silencieux et souriant, tenait sa main levée comme pour l’offrir à l’abbé.

Celui-ci parut lire sur ces deux physionomies rayonnantes la scène qui venait de se passer.

Puis il sourit à Violette qui relevait sur l’abbé ses regards brillants.

— Mademoiselle, dit l’abbé d’une voix aux intonations douces et profondes, hier votre pâleur, la fatigue que je lisais sur vos paupières tombantes de lourdeur, et votre démarche parfois chancelante me faisaient vous réprimander pour l’excès de zèle que vous apportez auprès de notre pauvre malade. Aujourd’hui, je dois vous complimenter sur votre bonne mine et l’air reposé que m’offre toute votre personne. En quittant l’hôpital hier, je m’en voulais presque de vous avoir grondée ; aujourd’hui, je m’en félicite.

Puis, s’approchant vivement du lieutenant dont il prit affectueusement la main :

— Et toi, mon cher enfant, dois-je attribuer à ce bon souffle printanier, à ces beaux rayons de soleil ces rougeurs de santé, de force et de vie qui font que je reconnais difficilement aujourd’hui le moribond d’hier ?

— Monsieur l’abbé, répondit Jules avec un sourire de bonheur, depuis ce matin je sens couler avec mon sang une vie nouvelle.

— Béni soit le bon Dieu !… Te voyant revivre, mon cher enfant je revis moi-même.

Il se baissa à l’oreille du jeune homme et lui murmura :

— Ne t’ai-je pas dit qu’elle te sauverait, un jour ?

Oui, deux fois !… répondit Jules.

— Deux fois !… fit l’abbé surpris.

— Elle m’a sauvé de la mort en premier lieu, du désespoir ensuite !

— Du désespoir ?

— Je vous expliquerai cela tout à l’heure.

— Pourquoi pas tout de suite ?

— Quand nous serons seuls.

L’abbé se tourna du côté où Violette se tenait la minute d’avant ; la jeune fille n’était plus là.

L’abbé eut un sourire tendre.

— Mon fils, dit-il, tu peux parler sans crainte, nous sommes seuls : Violette n’est plus ici.

— Déjà partie ?

— C’est une fille intelligente et discrète.

— C’est une sainte ! murmura Jules avec ardeur.

— C’est vrai, approuva l’abbé en inclinant la tête. Et penser qu’autrefois je l’avais mal jugée… Mais qu’importe ! le passé est loin, c’est du présent et de l’avenir qu’il s’agit. Et à présent m’expliqueras-tu, Jules ce bonheur étrange que je devine un peu depuis mon entrée dans cette chambre.