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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/30

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une injure de ne pas lui demander son avis à elle aussi.

Jules marchait hâtivement, en proie à toutes ces pensées, avec le secret espoir que sa mère et sa sœur seraient toutes deux de son avis, qu’elles applaudiraient à ses projets, à ses ambitions nouvelles, à ses rêves nouveaux d’avenir.

Choses singulières : dans le souvenir de Jules Marion l’image de Violette Spalding s’était effacée comme par magie ! Était-ce réel ?… Non… c’était inconcevable ? Et pourtant…

Or, sur la rue déserte et solitaire à cette heure, dans la nuit faiblement éclairée par les lampes électriques joignant de loin en loin leurs reflets pâles, voilà qu’une silhouette féminine se trouva soudain sur le passage du maître d’école.

Lui, ébauchant un geste de surprise, s’arrêta en murmurant ce nom doux :

— Violette !

Oui, Violette dont il ne pouvait voir que très vaguement la pâle figure sous la voilette grise !

Oui, c’était Violette dont il devinait de suite le trouble poignant, la gène, le désespoir peut-être !

Violette, tremblante, très émue, le sein en tumulte… Pourquoi ? Jules se le demandait déjà avec anxiété.

Il subissait avec une violente émotion cette attitude désespérée de la jeune fille ; il se sentait envahir, en dépit de ses efforts pour l’écarter, par un trouble inconnu. Toutefois, il réussit à ne rien laisser paraître de ses émotions.

Il demeura presque froid.

Violette vit cette froideur, ou ce masque que le jeune homme avait appliqué avec effort sur les traits de son visage et elle éprouva une mortelle souffrance. Car elle l’aimait bien fort ce Jules Marion… Oh ! elle s’était bien gardée de l’avouer à son père !

Deux ans auparavant un hasard avait mis en présence Violette et Jules.

Violette avait souri à ce beau et grand garçon.

Ce sourire s’était gravé au cœur impressionnable de Jules.

Plus tard, par hasard encore — sommes-nous sûrs que c’était bien le hasard cette fois ? — Jules avait rencontre Violette çà et là. En certaines occasions ils avaient pu échanger quelques banalités, et ces petits riens, ces paroles qu’on n’a pas eu le temps de méditer, ces œillades qu’on n’a su prévenir, ces sourires qu’on n’a pas préparés, tout cela avait constitué pour ces deux êtres comme un poème d’amour. Par la suite, les petits billets doux — tous petits poèmes d’amour également — qu’on ne signe que d’une lettre et qu’on scelle d’un baiser secret s’é-