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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/31

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taient croisés… puis cela avait été de longues lettre, qui sont aux amoureux les lectures de chevet.

Et puis souvent, Jules, en pénétrant dans son école le matin, trouvait sur son pupitre un beau bouquet de fleurs, des fleurs tout humides exhalant des parfums enivrants. Et, chaque fois, du centre de ce bouquet émergeait une douce exquise et tremblante violette ! Et ces fleurs, cette violette surtout, Jules les baisait ardemment.

Ah ! quelles belles et douces fleurs !

Bref, entre Jules et Violette c’était le duo d’amour qui se chante toujours harmonieux, toujours sublime.

Les deux amoureux, dans leurs moments solitaires, avaient bien eu de ces pensées :

Lui : Violette est très riche… elle est anglaise ! Je suis fou ! Comment arriver ?…

Elle : Jules est un canadien et un français… Jules est un catholique… Comment mon père prendra-t-il la chose ?

Mais à ces objections, à ces craintes, le cœur avait répondu :

— Bah ! le jour venu, les obstacles disparaîtront !

C’est ainsi qu’ils avaient vécu pendant plus d’une année, s’enivrant réciproquement de leurs amours et de leurs rêves.

Mais comme un coup de foudre survenait un événement qui soufflait sur les rêves, un événement capable de briser les liens les plus solides, les amours les plus chères, les mieux tissées.

Et, ce soir-là, à la vue de Jules froid et compassé, Violette s’était dit avec cette intuition particulière à la femme :

— Il ne m’aime plus… il m’en veut pour ce que lui a fait mon père !

Mais surmontant aussitôt son désespoir et sa défaillance, redevenant celle qui a la coutume d’aller droit au but, qui aime à soulager son cœur de ce qui l’oppresse :

— Monsieur Jules, dit-elle d’une voix très douce, un peu tremblante, je n’ai pas osé vous écrire… j’ai préféré vous parler.

— Pourquoi avez-vous désiré me parler, Mademoiselle ? demanda Jules qui avait, sans réussir, cherché à rendre sa parole glacée comme son air.

— Ah ! pensa Violette avec un douloureux serrement de cœur il me demande pourquoi j’ai voulu le voir, lui parler ! Cruel !… Faudrait-il lui crier que je pleure de ses pleurs, que je souffre de ses souffrances ! Que je l’aime… oui que je l’aime au point de me compromettre !… Ah ! oui, le cruel !

Mais Violette, calmant l’impétuosité de ses sentiments, put répondre avec un amer sourire :