L’abbé s’inclina froidement, et d’une voix plus froide encore dit :
— Monsieur Spalding, pardonnez-moi de venir troubler la grande fête dont retentit votre somptueuse demeure. Mais comme a dû vous dire votre valet, il s’agit d’affaire grave.
— Monsieur, répondit Harold d’une voix aussi glaciale que celle de l’abbé, je croyais qu’entre nous il ne devrait plus y avoir aucun rapport, je suis forcé de vous faire reconduire.
En même temps il s’approcha de la table avec le petit marteau d’argent ciselé et l’éleva au-dessus du timbre d’or.
Le marteau ne retomba pas. L’abbé vivement s’était élancé vers Spalding et avait retenu la main prête à descendre.
— Monsieur l’abbé, prononça Harold sur un ton courroucé, il me semble que je suis le maître ici.
— Je ne vous nie point ce titre ; mais j’ai à vous parler, et vous m’écouterez.
— Ah ! vous me commander maintenant, gronda Harold frémissant.
— Ce n’est pas moi qui commande.
— Et qui donc, alors ? ricana Harold.
— La vie de Violette ! répliqua l’abbé d’une voix grave.
— Vous voulez parler de celle qui fut ma fille ?
— De celle qui est encore votre fille !
— Je l’ai reniée !
— Vous n’en avez pas le droit !
— Quoi le prouve ?
— Sa soumission à votre volonté !
— N’a-t-elle pas épousé son cul-de jatte ?
— N’insultez pas un héros ! tonna l’abbé d’une voix terrible.
— Qu’importe ! Vous me dites que Violette a épousé son lieutenant…
— Je ne vous ai rien dit de tel, reprocha l’abbé de sa voix sévère et profonde.
— Alors, que voulez-vous ?
— Je veux que vous sauviez votre fille !
— Expliquez-vous !
— Je veux que, bon gré mal gré, vous veniez dire à Violette ceci : « Je t’autorise à devenir l’épouse du lieutenant Marion ! »
— Jamais !… cria Harold d’une voix forte.
— Eh bien ! répliqua l’abbé avec calme, préparez-vous à envoyer chercher le cadavre de votre fille !
Harold pâlit et sa main échappa le petit marteau d’argent sur l’épais tapis du salon.
— Que se passe-t-il donc ? interrogeait-il saisi tout à coup d’inquiétude.
— Il se passe que votre fille Violette, malade depuis deux semaines, est à la dernière agonie[illisible]
Un moment, Harold considéra curieusement la figure grave et solennelle de l’abbé ; puis il prononça ces paroles outrageantes :