Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et lui, l’abbé, avec sa longue figure blême qui s’irradiait au souffle de cette belle et fougueuse jeunesse, s’approchant de Jules Marion lui dit avec une admiration émue :

— Mon fils, tu viens de faire naître la vraie revanche de notre race !


XI

OÙ LE DOCTEUR RANDALL TROUVE À QUI PARLER.


Depuis quelques jours Violette se remettait de la terrible secousse qui avait ébranlé sa faible constitution. Seule sa physionomie gardait le cachet d’une grande souffrance morale.

Quant à Harold, il demeurait sombre et taciturne.

Deux fois Violette avait voulu avoir un entretien avec lui ; chaque fois il avait carrément refusé de voir sa fille.

D’ailleurs on ne le voyait plus chez lui : tous ses repas il les prenait en ville. On eût juré qu’il redoutait de se retrouver en présence de sa fille.

Était-ce honte ou rancune ? On ne saurait le dire.

Il est évident, connaissant son caractère, qu’il devait en vouloir très fort à Violette pour s’être mise entre lui et Jules Marion.

Et il est fort possible aussi qu’il eut rougi devant sa fille de l’acte précipité auquel il s’était livré contre la personne de Jules Marion, en braquant sous les yeux du jeune homme le canon d’un revolver.

Quoi qu’il en soit, Harold avait reçu ce jour-là la visite du docteur Randall. Et durant trois heures les deux hommes demeurèrent enfermés dans le cabinet-bibliothèque.

Que se passa-t-il entre eux ? C’est ce que nous apprendra la suite des événements.

Et Randall, quand il quitta la résidence du millionnaire après cette longue et mystérieuse conférence, avait aux lèvres un sourire énigmatique.

Or Violette avait vu arriver le docteur et de sa fenêtre guetté son départ. Le sourire qu’elle vit sur les lèvres de cet homme lui causa une frayeur inexplicable.

Oh ! c’est qu’elle se rappelait toujours la terrible conversation qu’elle avait surprise un jour entre le docteur et son père. Elle savait que les deux hommes avaient résolu la mort de Marion, et tous deux par haine et vengeance. La vengeance ? oui : l’un ne songeait plus, jour et nuit, qu’à se venger d’un soufflet reçu ; l’autre, des dédains de Violette.

Mais la jeune fille s’était bien jurée de veiller sur Jules et de le défendre au besoin.

En dépit de la conduite étrange et cruelle de Jules à son égard, elle aimait encore le jeune homme ; par instant, il lui semblait qu’elle l’ai-