Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/96

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vouement inébranlable pour l’abbé Marcotte — son curé, comme il l’appelait toujours, — et pour Jules Marion qu’il avait toujours respecté comme « l’élève de monsieur le Curé ».

L’abbé Marcotte, pour continuer notre récit, avait donc fait mander Pascal.

Et lui, tablier blanc au ventre, serviette à l’épaule et bonnet de cuisine crânement posé sur l’occiput, se présenta aussitôt.

Il avait l’attitude de ces anciens aubergistes qui se précipitaient à la rencontre des voyageurs avec leur politesse obséquieuse, tels qu’on les revoit dans les gravures du temps.

— Mon vieux Pascal, dit l’abbé, tu vas pour un moment quitter ton tablier, ton bonnet et ta cuisine, et te mettre illico en quête de Jules. Mieux que quiconque tu sauras le dénicher en ville. C’est, toute affaire cessante, ordre du général-ministre.

— Compris, monsieur le curé. Si je ne le ramène pas en deux temps, c’est que notre homme demeure introuvable.

Et Pascal partit comme un trait.

Il allait tout guilleret, le brave Pascal, filant, pour couper au plus court, à travers les terrains vagues parsemés d’arbres et de buissons.

Soudain il s’arrêta court à la vue d’un individu à l’allure singulière qui, armé d’un fusil, venait de se blottir, derrière le tronc d’un arbre.

À Pascal le manège de l’homme parut très bizarre. De fait qu’est-ce que cet homme pouvait bien chasser dans un pays sans gibier ?…

Mais si c’était un malfaiteur !

Instinctivement — oh ! non par peur — Pascal se jeta derrière une touffe de buissons.

La rue n’était pas éloignée : cinquante verges au plus. Et Pascal pouvait à ce moment voir passer un camion de la ville se dirigeant vers le camp militaire avec une charge de provisions.

Hormis ce camion, la rue était déserte.

Il pouvait être dix heures de matinée. Le soleil, dans un ciel sans nuage, jetait à flots d’or ses rayons chauds sur la contrée environnante, pendant qu’une brise douce et parfumée apportait de l’Ouest sa fraîcheur caressante.

Pascal ne voyait que très vaguement l’homme au fusil, bien qu’il n’en fût qu’à quelques pas. Pour mieux voir il lui eut fallu quitter les buissons, mais c’eut été donné l’éveil.

Et la curiosité de Pascal était vivement piquée : que l’homme fût un malfaiteur, l’ancien sacristain en avait presque la certitude.

— Allons ! se dit-il, je ne pourrai poursuivre mon chemin sans en avoir le cœur net !

Doucement il écartait de sa main quelques branches afin de mieux regarder et de mieux voir.

L’homme au fusil lui tournait le dos : face à