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Première partie

I

LE DRAPEAU INCONNU
BRITISH COLONY


Cette subite et brutale épithète qu’on accolait à la terre de la Nouvelle-France avait fait bouillonner — comme un torrent impétueux rugissant au fond d’une gorge — le fier sang français du capitaine Aramèle.

Sombre et mélancolique sous un ciel gris et bas du mois de mai 1764, Québec, au sommet de son cap, ressemblait à un séculaire mausolée dont le granit bruni conserve une empreinte de désolation et d’oubli qu’en passant sculpte petit à petit le ciseau des âges. Sur ce mausolée, au pied duquel roulait en mugissant le flot noir du fleuve, claquait lugubrement dans la brise de l’ouest — tel un crêpe que secoue le vent au fronton d’un bloc de pierre — un drapeau inconnu à l’air hautain et tyrannique !

Jacques Aramèle, venu de France en 1748, était l’unique survivant d’un tabellion de l’infanterie française qui avait fait partie de l’armée commandée par le brave Chevalier de Lévis au printemps de 1760. Le capitaine Aramèle avait été de toutes les batailles qui avaient précédé et suivi le siège de Québec en 1759 : d’Oswégo et Carillon jusqu’à la bataille dite « seconde bataille des Plaines d’Abraham », à laquelle