Page:Féron - Les trois grenadiers (1759), 1927.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



PREMIÈRE PARTIE

I

UNE BAGARRE DE TAVERNE.


C’était le 12 décembre de cette terrible année 1759.

À un mille environ du fort que le marquis de Lévis avait fait élever sur la rive droite de la rivière Jacques-Cartier, au centre d’une sapinière touffue et toute blanche de givre, se dressait une baraque en laquelle l’ancienne mendiante, la mère Rodioux, ex-tavernière en la basse-ville de Québec, tenait cabaret.

Il était environ trois heures de l’après dîner, et la grande salle de la taverne était remplie de soldats du fort qui, tous les jours, venaient en grand nombre jouer aux dés et boire de l’eau-de-vie.

Le soleil inclinait déjà vers l’horizon. Le froid était vif, cassant, et l’on pouvait entendre les sapins péter comme des coups de pistolets

Dans le cabaret un grand feu brûlait en flammes hautes et répandait une excellente chaleur gâtée, malheureusement, par les âcres relents de l’eau-de-vie. La mère Rodioux, toujours grêle et sèche, allumait ses lampes, car l’unique fenêtre qui prenait jour par la façade ne suffisait plus à éclairer à l’intérieur.

À l’instant où nous pénétrons dans la place un grand chahut régnait.

Plusieurs voix enthousiastes venaient de clamer :

— Bravo ! pour les grenadiers…