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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/112

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cviii
RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

(, de la clef de fa), répondait au ton de mineur de la musique moderne sans note sensible, était divisé de la même manière, en cinq tétracordes, et les noms de ses notes étaient les mêmes que ceux du mode hypo-dorien. Le mode hyper-dorien commençait à l’ajoutée (sol, entre les lignes supérieures de la clef de fa), et répondait à notre ton de sol mineur. Son étendue était aussi de deux octaves, et ses divisions étaient les mêmes qu’aux deux autres modes.

En opérant de la même manière sur les cinq modes dorien, phrygien, ionien, éolien et lydien, les Grecs portèrent l’étendue de leur système général, au commencement de l’ère chrétienne, jusqu’à trois octaves et une seconde (depuis la grave de la voix de basse jusqu’au si aigu de la voix de femme), et le nombre de leurs modes, naturels et transposés, s’élève à quinze.

Quelques phrases obscures d’anciens écrivains ont fait croire à plusieurs auteurs que dans la plus haute antiquité, les Grecs ont fait usage d’une échelle divisée par intervalles très petits qui auraient constitué un genre de musique auquel on aurait donné le nom d’enharmonique ; et d’après le sens attribué aux passages de ces écrivains, ce genre, très compliqué, et d’une exécution difficile, aurait précédé l’emploi du genre simple appelé diatonique. Ce fait est en contradiction manifeste avec ce que j’ai rapporté de l’histoire de l’invention des modes, de l’augmentation progressive de leur étendue, et des idées que les Grecs se formaient de l’art et de son but. Il n’est pas moins contraire à la marche de l’esprit humain d’aller du composé au simple, au lieu de passer de celui-ci au composé ; enfin, c’est méconnaître l’histoire des relations de la Grèce avec l’Orient que de prétendre que l’emploi des petits intervalles n’a point passé de l’Égypte et de l’Asie dans l’Occident après que les historiens et les philosophes grecs eurent voyagé dans ces contrées, et surtout après les conquêtes d’Alexandre. La forme primitive des instrumens de musique des Grecs, et le petit nombre de cordes dont ils étaient montés, démontre même jusqu’à l’évidence que, dans les temps reculés, ce peuple ne fit usage que du genre diatonique, c’est-à-dire du genre simple dont le système vient d’être développé.

En réalité, le genre enharmonique ne fut employé à aucune époque dans la musique grecque[1] ; et le chromatique, qui procède par demi-tons dans la

  1. Il ne saurait y avoir d’enharmonie purement mélodique ; l’harmonie doit faire nécessairement partie de ce qu’où appelle de ce nom : je ferai voir cela plus loin. C’est pour