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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/118

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cxiv
RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

son temps au mot harmonie ; voici comment il s’exprime : « Chaque espèce d’harmonie doit garder son propre caractère ; la phrygienne, son enthousiasme ; la lydienne, son ton bachique ; la dorienne, sa gravité, et l’ionienne, sa gaieté[1]. »

À l’égard d’un passage du Traité des lois, de Platon[2], d’un endroit d’Aristote[3], de deux vers d’Horace[4], et de quelques autres passages qu’on a allégués en faveur de l’existence de l’harmonie simultanée dans la musique des Grecs, je n’en discuterai pas ici la valeur, parce qu’un tel examen m’entraînerait hors des bornes de ce résumé ; je me contenterai de renvoyer à la dissertation de Burette sur la symphonie des anciens[5], où ce savant a donné des explications fort raisonnables de ces passages, bien qu’il n’ait pas aperçu tous les argumens qui militaient en faveur de son opinion.

Il est une objection qu’on n’a point faite, et qui, peut-être, aurait pu faire subsister le doute sur la question de l’emploi des accords de plusieurs sons simultanés dans la musique des Grecs ; c’est que nous ne possédons presque rien de relatif à la pratique de l’art, et que tous les traités de musique que les écrivains de la Grèce nous ont transmis sont dogmatiques, et relatifs seulement à la formation des systèmes, au rhythme et à la notation. Cette objection, que je me hâte de faire pour qu’on ne me l’oppose pas plus tard, m’oblige à abandonner les preuves d’érudition pour en chercher de plus concluantes dans la nature même de la musique des Grecs.

Deux mots de la langue grecque expriment l’accord des sons ; l’un est homophonie, qui indique l’unisson, l’accord homogène de deux sons semblables, ou d’un plus grand nombre. Un chœur de voix analogues, d’hommes ou de

  1. Καὶ τῆς ἁρμονίας ἐκάστης διαφυλαρτειν τὸ ἰδιον τῇς φρυγίου τὸ εὐδιον, τῆς λυδίου τὸ Βακχικόν, τῆς Δωριου τὸ σεμνον, τῆς Ιὠνικῆς τὸ γλαφυρὸν. (Luc. in Harmon.)
  2. Τῆ δὲ τῆ κινήσεος ὀνομα ἔιῆ : τῆ ὅ αὖ τῆς φωνῆς, σοῦ τε οξέος καὶ βαρεος συγκεραννυμενων ἁρμονίας νομα προσα γορεύοιτο. (On appelle cadence l’ordre ou la suite du mouvement ; on appelle harmonie l’ordre ou la suite du chant, de l’aigu et du grave diversement combinés et entremêlés.) Plat. de Legib.
  3. Μουσοικέ δὲ ὀξεις ἅμα καὶ βαρεῖς, μακροίς τε καὶ βραχεῖς φτόγγοις μίξοσα ἐν διαφοροῖς φονοῖς μίαν ἀπετέλεσεν ἁρμονίαν. (La musique, mêlant ensemble des sons aigus et des graves, des sons qui ont de la durée et d’autres qui passent plus vite, forme de ces diverses voix une seule harmonie.)
  4. Sonante mistum tibiis carmen lyrâ, hac dorium, illis Barbarum.
  5. Dissertation sur la symphonie des anciens, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. 4, p. 151 et suiv.