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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/132

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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

de l’échelle musicale ; l’autre, la cadence qui se présente presque toujours d’une manière uniforme et régulière. Pour faire comprendre ce que j’ai à dire à cet égard, je ne puis mieux faire que de donner pour exemple un de ces airs, sorte de type qui se représente souvent avec des modifications plus ou moins nombreuses sans altération sensible de la forme primitive (Voyez, aux exemples notés, le no 9). La gamme de cet air, qui, ainsi que je viens de le dire, est la base de la plupart des airs russes, se présente sous la forme mineure avec la note sensible au grave ; elle est privée de cette note à l’aigu, comme dans l’exemple suivant :

sol dièse, la, si, ut, , mi, fa, sol bécarre.

L’air que j’ai donné pour spécimen de la mélodie russe, parce qu’il est un type populaire, est composé de deux parties, dont l’une est dans le mode mineur et l’autre dans le majeur. Le majeur relatif est tout entier dans cette gamme par la présence de la note sensible au grave, et par son absence à l’aigu. Il n’existe pas un seul air ancien dans toute la Russie où la note sensible ait été employée dans le haut.

Guthrie (Mathieu), savant Anglais, qui a passé un grand nombre d’années en Russie, qui a fait beaucoup de recherches sur les antiquités du pays, et qui a publié sur ce sujet de curieuses dissertations, affirme que toutes ces mélodies sont de la plus haute antiquité, qu’elles ont toutes un caractère analogue, et que les paysans russes les chantent dans l’intérieur des terres, où jamais l’étranger n’a pénétré, de la même manière que ceux qui environnent les grandes villes. Il y a donc lieu de croire que parmi ce peuple barbare qui n’a pas fait un pas vers la civilisation, tout ce qui tient de la musique se retrouve aujourd’hui dans le même état qu’aux siècles les plus reculés de l’histoire, et que cette musique est à peu près ce qu’était celle des Scythes. La suite démontrera jusqu’à quel point cette conjecture est fondée.

Considérons maintenant ce que j’ai donné comme spécimen de la musique de ce peuple sous le rapport de la cadence dont j’ai déjà parlé. Ce que j’appelle ici cadence n’est autre chose que la contexture des phrases et leur terminaison. Or, remarquez que cette contexture est tellement régulière dans sa modulation, et que le retour final à la note principale est ramené dans un ordre de symétrie tel que l’harmonie est en quelque sorte inhérente à ces formes. L’opinion que j’émets ici pourrait passer pour une supposition hasardée si, bien différens de tous les peuples dont j’ai parlé jusqu’ici, les paysans russes n’étaient pas toujours accompagnés dans leurs chants par une simple et gros-