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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/253

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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

dernier lieu par des emprunts faits à la méthode pure de l’Italie, s’est résumé ensuite dans le beau talent de Dussek et de ses élèves.

Le style dramatique de la musique allemande avait reçu du génie de Keiser et de Handel un caractère de force et d’originalité absolument étranger aux formes de la musique italienne ; mais ce style vigoureux, riche de transitions, de piquante harmonie et d’expression passionnée, n’avait presque pas d’autre asile que les théâtres de Hambourg et de Wolfenbuttel ; car bien qu’on jouât de temps en temps l’opéra allemand à Bayreuth, à Brunswick, à Dresde, à Leipsick, ce spectacle n’avait pas d’existence permanente dans ces villes. La plupart des princes et des rois de la Germanie avaient une musique, un théâtre ; mais les opéras qu’on représentait à leur cour étaient en langue italienne, les compositeurs étaient italiens, les chanteurs italiens. Après Telemann et Matheson, successeurs de Keiser, il n’y eut pendant plus de trente ans aucun compositeur dramatique allemand qui méritât quelque attention, parce qu’il n’y avait pas de théâtre où il pût s’en former, ni qui parût leur offrir une existence. Pendant toute la première moitié du dix-huitième siècle, il n’y eut à Vienne que des compositeurs italiens ; c’étaient Ziani, Conti, Bononcini, Caldara, et d’autres. Le goût de la musique italienne était si général, que beaucoup d’opéras allemands, représentés sur les théâtres de Hambourg et de Wolfenbuttel, étaient traduits des ouvrages de Caldara, de Conti, d’Orlandini, de Gasparini, ou bien c’étaient des pastiches formés de lambeaux de divers opéras italiens : tel était Henrich der Vogler (Henri l’Oiseleur), qui eut beaucoup de vogue vers 1720.

Les compositeurs allemands qui voulaient écrire pour le théâtre, étaient obligés d’imiter le style italien s’ils voulaient obtenir quelque succès. Le vieux Fux, maître de chapelle de l’empereur Charles VI, fut contraint de suivre le torrent. Hasse, musicien d’un mérite remarquable, Gluck même, malgré l’originalité de son génie, sacrifièrent au goût de leur temps, et ce dernier ne rentra dans l’individualité de son talent que lorsqu’il écrivit ses derniers ouvrages. Mozart, dont les premières productions dramatiques datent de 1772, ne fut d’abord que l’imitateur du style de l’école napolitaine. Plus tard, ce grand homme franchit tout d’un coup l’espace immense qui séparait sa première manière de la musique selon son cœur et selon son génie. Il y a des siècles d’histoire de l’art entre les premiers opéras de cet admirable artiste et le mariage de Figaro, et Don Juan, et la flûte enchantée. Après avoir subi l’influence de l’Italie dans ses premières années, son action devint si puissante,