donné une autre direction à l’art de jouer du clavecin. Gasparini paraît avoir été parmi les Italiens le premier qui formula les principes du doigté de cet instrument et de l’art d’en tirer des sons. Il eut pour élève Dominique Scarlatti, fils d’Alexandre, dont la musique est encore aujourd’hui classée parmi les modèles des pièces de piano. Cordicelli, élève de celui-ci, eut moins de réputation que son maître ; mais il conserva ses excellens principes et les transmit à Clémenti, qui est devenu, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle et au commencement du dix-neuvième, le chef et le modèle de la meilleure école du jeu brillant et chantant.
Jean Sébastien Bach, dont le nom vient d’être cité, fut une de ces merveilles qui n’apparaissent que de loin en loin dans le monde artistique : ce fut le Palestrina de l’Allemagne. Chacun de ses talens aurait fait la fortune d’un artiste : il eut tous ceux qu’un musicien peut envier, et les porta au plus haut degré d’élévation. Cependant il n’exerça de grande influence sur les progrès de l’art dans sa partie que comme organiste ; car, bien qu’il ait traité presque tous les genres de musique avec une égale supériorité, il cacha ses travaux et n’écrivit que pour lui. C’est long-temps après sa mort que ses productions ont été connues. Comme organiste et claveciniste, il fut le plus remarquable, le plus grand qu’il y eût jamais eu dans son pays, la patrie des organistes habiles. Comme tel il est resté le chef de cette école allemande dont j’ai parlé tout à l’heure ; ses élèves furent tous des artistes de haut mérite. Ils répandirent sa doctrine, enseignèrent d’après ses principes, et achevèrent de populariser après lui un style de composition et d’exécution qui s’est maintenu long-temps en grande estime, mais qui commence à se perdre. Les hardiesses d’harmonie, les rencontres heurtées de notes souvent étrangères l’une à l’autre et souvent appartenant à des tons qui n’ont point d’analogie, composent un des caractères distinctifs de ce style ; mais ces duretés sont rachetées par de profondes pensées d’une mélodie originale, sauvage et mélancolique, et par un travail de combinaison qui démontre la plus grande force de conception. Ainsi que je l’ai dit, ce style a pour résultat de grandes irrégularités de doigté : il est en cela fort différent de celui de l’école de Clémenti.
Charles-Philippe-Emmanuel Bach, fils de l’illustre Jean Sébastien, et grand musicien lui-même, paraît avoir eu du penchant pour le style italien dont il a cherché l’alliance avec celui de l’école où il avait été élevé. C’est de cette alliance, qu’il a réalisée dans ses ouvrages, qu’est née l’école mixte du piano, continuée par Haydn, Mozart, Schobert ; école dont le caractère, modifié en