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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/33

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xxix
PRÉFACE.

conviction est si bien imprimée dans mon esprit que, fatigué de ces soins minutieux et de mon travail de manœuvre pour corriger des erreurs, vérifier des dates et m’assurer de la réalité de certains faits, j’ai été tenté cent fois d’anéantir la cause de l’ennui que j’éprouvais. Il y a tant à faire pour l’art, me disais-je ! Tant de nobles objets de méditations et de recherches s’offrent à moi de toutes parts, et je consume ma vie à me faire le Mathanasius de la musique. Loin de ranimer mon courage, les découvertes que je faisais venaient incessamment augmenter mes dégoûts. À chaque chose nouvelle que le hasard me faisait trouver, je me représentais l’énorme quantité de celles que j’étais destiné à ignorer, et cette pensée me faisait accueillir avec plus de chagrin que de plaisir mes pauvres trouvailles littéraires et scientifiques.

Telle était la disposition d’esprit où je me trouvais lorsque je crus entrevoir les vrais fondemens de l’art et de la science de la musique ; en un mot, cette philosophie musicale, dont la nécessité était reconnue depuis long-temps, mais dont les principes semblaient un mystère impénétrable. Saisissant avec passion les premières notions de cette philosophie qui vinrent m’éclairer, je quittait tout pour me livrer en liberté aux méditations qu’un tel objet réclamait, et je ne pus prendre quelque repos qu’après que j’eus en moi la conviction que j’avais eu le bonheur de découvrir la base éternelle non seulement de la musique qui est à notre usage, mais de toute musique possible. Alors seulement je compris les lois de tous les systèmes de musique qui ont tour à tour imprimé des directions diverses à l’art. Les points de contact de ces systèmes, les causes de leurs divergences, celles des transformations successives, la nécessité d’un certain ordre dans la manière dont ces transformations s’opéraient, tout cela m’apparut sous l’aspect véritable où on doit les considérer. Les qualités et les défauts de toutes les théories, de toutes les méthodes me furent révélés, et l’histoire de toutes les révolutions de la musique ne me parut plus être que le résultat nécessaire de quelques principes féconds agissant incessamment à l’insu de ceux mêmes qui s’en servaient.

Je publierai bientôt, j’espère, le livre où j’ai essayé de poser les principes de cette science nouvelle que j’appelle la philosophie de la musique, et je ferai bien mieux comprendre alors en quoi consiste cette science que